ARTICLES

La nullité pour défaut de convocation à une assemblée de SARL ou de SELARL nécessite la preuve d’un grief


3 mars 2017



La nullité pour défaut de convocation est soumise à deux conditions cumulatives : l’existence d’un intérêt légitime à agir et la démonstration d’un grief qui s’apprécie au regard des conséquences dommageables.

Des médecins avaient constitué une SELARL. Après le décès de l’un d’entre eux, laissant pour lui succéder son épouse et ses deux enfants, une AGE des associés de la SELARL a pris acte de la décision de l’épouse de ne plus être associée et a autorisé la gérance à racheter les parts qui lui seraient attribuées par la succession.

 

Or, aucune convocation n’a, semble-t-il, été adressée aux trois héritiers, co-indivisaires de la succession.

 

La Cour d’appel a en conséquence prononcé la nullité de l’assemblée litigieuse et de l’opération de rachat des parts sociales, au motif que les droits d’associés de la veuve avaient été bafoués et qu’elle justifiait d’un intérêt né, actuel et légitime à agir en annulation. Elle a ajouté que la circonstance que celle-ci ait signé le P-V de l’assemblée ne saurait la priver de la faculté de contester l’existence de sa convocation ainsi que les décisions prises lors de cette assemblée.

 

Or, cette décision est doublement censurée par la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 10 novembre 2015 (n° 14-16022).

 

D’une part, au visa de l’article L.223-27 du Code de commerce, dont le dernier alinéa dispose que « toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée », elle décide que la Cour d’appel était tenue de caractériser le grief qu’aurait causé à l’associée l’absence de convocation à cette assemblée. Autrement dit, la nullité facultative impose la nécessité d’établir un grief. Ainsi, l’existence d’un intérêt légitime et la démonstration d’un grief sont deux conditions qui « doivent être distinguées. La première impose de vérifier l’intérêt pour l’associé de demander la nullité et s’apprécie au regard de la décision adoptée. La seconde s’apprécie au regard des conséquences dommageables pour cet associé du manquement aux dispositions impératives. Il faut donc contrôler à la fois l’intérêt légitime et le grief » (M. Buchberger, Défaut de convocation à une assemblée de SARL : pas de nullité sans grief, Bull. Joly Sociétés mars 2016, p.26 et suiv.).

 

Le plus souvent, le grief résidera dans l’impossibilité de participer à l’assemblée. Mais en l’espèce, l’associée avait signé le P-V d’assemblée mentionnant sa présence à l’assemblée. Cependant, la Cour d’appel avait refusé de prendre en compte ce P-V en raison d’une attestation de l’employeur de l’associée affirmant qu’elle se trouvait sur son lieu de travail le jour où s’est tenue l’AGE, ce dont il résultait qu’elle ne pouvait y avoir effectivement participé. Mais cette argumentation n’a pas trouvé grâce aux yeux de la Cour de cassation.

 

D’autre part, au visa des articles  1315 du Code civil et R.223-24 du Code de commerce, elle affirme que les procès-verbaux d’assemblée font foi, jusqu’à preuve contraire, de leur date et de leur contenu et qu’en n’en tenant pas compte, la Cour d’appel a méconnu la force probante qui y est attachée. Cette solution, classique pour les P-V des Conseils d’administration (Cass. Civ. I., 8 juin 2004, n° 01-18016), semble nouvelle s’agissant de P-V d’associés. On observera à cet égard qu’il n’est pas nécessaire que l’associé l’ait signé, l’article R.223-24 exigeant seulement la signature des gérants et du président de séance.

 

 

 

 

Annabel QUIN,

Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud

Ancienne avocat au Barreau de Paris

 

 

 Mise en ligne: 03/03/2017





LES AVOCATS ALTA-JURIS