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Branle-bas de combat à Brûlon (Sarthe) pour réclamer le retour des dirigeants d’une entreprise


30 mars 2015



On connaît les dangers de l’ouverture du capital des PME aux sociétés de capital investissement. Si les clauses statutaires ne viennent pas « brider » un peu le droit de vote de ces actionnaires, sur les conseils judicieux des avocats spécialistes en droit des sociétés, le risque est grand qu’ils s’arrogent le contrôle de l’entreprise. Telle est la mésaventure qui est arrivée – pendant 9 jours ! – aux dirigeants de l’entreprise FPEE de production et distribution de fenêtres

(I.Rey-Lefebvre, Quand salariés et clients font plier les actionnaires et récupèrent leurs patrons, Le Monde Economie, 12 février 2015).

En l’espèce, les trois fonds d’investissement, qui détenaient 70% du capital social, ont révoqué les dirigeants de l’entreprise suite à un désaccord sur une décision de ré-endettement de celle-ci. En l’occurrence, les actionnaires voulaient procéder à un « dividend recap », c’est-à-dire ré-endetter l’entreprise à hauteur de 220 millions d’euros pour en distribuer 130 aux actionnaires. On voit bien l’intérêt pour ces derniers, mais celui-ci était difficilement conciliable avec l’intérêt social. En effet, la société ayant un chiffre d’affaires d’environ 150 millions d’euros, cette opération risquait d’annoncer son crépuscule. C’est pourquoi les dirigeants s’y sont opposés.

En droit, on ne peut que les approuver : les dirigeants sont tenus d’agir dans l’intérêt social et l’opération, très risquée, aurait pu constituer une faute de gestion engageant leur responsabilité.

Mais ce n’est pas le droit qui était en jeu, mais un rapport de force entre les fonds d’investissement et les dirigeants. Ces derniers l’ont d’abord perdu, les premiers ayant décidé de les révoquer. Mais ils n’auguraient certainement pas le mouvement de solidarité qui s’est levé pour réclamer leur retour. D’une part, les 650 salariés de FPEE ont manifesté à Brûlon pendant une semaine pour réclamer le retour de leurs « patrons ». D’autre part, les distributeurs et installateurs de deux réseaux de distribution se sont également mobilisés pour faire pression : comme le relate l’un d’eux, « nous avons bloqué les commandes et les paiements et tous convergé vers la Sarthe. Pas un concessionnaire n’a manqué à l’appel ». C’est dire si la pression était à son comble et a justifié une médiation, sous l’égide de la préfecture. Résultat : les fonds d’investissement sont sortis de l’actionnariat, qui appartient désormais à 100% à ses salariés et dirigeants, et ces derniers ont retrouvé leurs fonctions. Happy end !

 

 

 

 

 Annabel QUIN
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocate au Barreau de Paris

Mise en ligne : 30/03/2015

 





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