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Le prepack cession FRAM : expériences et enseignements


4 avril 2016



Le prepack cession est une des nouveautés remarquées de l’ordonnance du 12 mars 2014 qui l’a conçu souplement pour favoriser la reprise des entreprises en difficulté. Cette technique vient d’être mise en œuvre pour sauver le groupe FRAM et il a donc semblé intéressant d’en tirer les premiers enseignements.

Les outils de prévention du livre VI du Code de commerce dont l’efficacité ne peut plus être mise en doute n’ont cessé d’évoluer au fil des réformes, la conciliation subissant certainement, la transformation la plus marquante. En effet, d’une procédure autonome de prévention des difficultés, elle est devenue aujourd’hui une phase préalable obliga­toire au traitement des difficultés dans le cadre rénové de la sauvegarde financière accélérée ou de la sauve­garde accélérée. La préparation du passage en procé­dure de traitement s’impose comme une technique à part entière pour améliorer les résultats des procédures judiciaires. Ce qui était à l’origine réservé à la prépara­tion du plan de sauvegarde a été étendu, par l’ordon­nance du 12 mars 2014, sans le caractère obligatoire cependant, à la cession de l’entreprise par le biais du nouveau prepack cession.

 

Cette innovation qui était attendue par les prati­ciens bouscule, quelque peu, la vision traditionnelle de l’opération de cession que le législateur a entouré d’une réglementation dense afin notamment de proté­ger les intérêts des créanciers et d’éviter les dérives. Le prepack cession rompt en partie avec certaines de ces contraintes et facilite la cession dans des conditions susceptibles de préserver les capacités de l’entreprise. L’enjeu est donc de taille et cette nouvelle technique a été retenue récemment par le tribunal de commerce de Toulouse pour la cession du groupe FRAM.

 

Les actionnaires du groupe FRAM ont décidé de se placer sous la protection du tribunal de commerce de Toulouse en sollicitant tout d’abord un mandat ad hoc puis une conciliation. Dans le cadre de ces pro­cédures, ont été recherchés de nouveaux partenaires capitalistiques et la restructuration du bilan par la ces­sion d’actifs non stratégiques.

 

Une banque d’affaire a été mandatée pour la recherche d’investisseurs et une data room à plusieurs niveaux de confidentialité a été mise en place. Il en est résulté des négociations avancées avec des sociétés du même secteur d’activité avec pour finalité, dans un premier temps, une ouverture majoritaire du capital. Des offres assorties de conditions suspensives ont été sou­mises aux actionnaires. La dégradation de la situation économique du secteur d’activité en raison d’attentats a obligé les actionnaires à envisager la recherche d’une autre solution qui devait être confidentielle et rapide afin d’éviter l’inquiétude des clients au regard de la pérennité de l’activité du groupe FRAM. C’est dans ce cadre qu’a été envisagé le recours à la technique du prepack cession.

 

Il est apparu intéressant aux acteurs principaux de ce dossier de faire part de leur expérience, des difficultés rencontrées, dans la mise en œuvre de cette nouvelle façon de céder les entreprises mais également, bien sûr, des avantages qu’elle offre aussi bien dans la pré­paration du prepack cession (I) que dans la réalisation de la cession qui s’est déroulée, en l’espèce, lors d’une procédure de redressement judiciaire (II)

 

 I. Préparation du prepack cession

 

La préparation d’un prepack cession suppose d’une part, que cette mission soit confiée au conciliateur selon un processus établi par le législateur et que, bien entendu, d’autre part, cette modalité de cession soir considérée comme favorable à une optimisation de l’opération envisagée.

 

  • Extension de ta mission

 

Les textes qui envisagent le prepack cession laissent supposer que cette technique ne peut être mise en œuvre que dans un second temps, l’objectif premier de la conciliation restant la recherche d’un accord avec les créanciers. Toutefois, le prepack cession est accessible sans avoir à démontrer qu’un tel accord n’est pas envi­sageable. Il n’y a donc pas de hiérarchie. L’hésitation résulte de la rédaction des articles L. 611-7 et R. 611- 26-2 du Code de commerce qui indiquent que l’avis des créanciers participants accompagne la demande d’extension de la mission’. Toutefois, le second texte dispose que l’ordonnance du président détermine ou modifie la mission du conciliateur entrouvrant donc la voie à une conciliation directement tournée vers un prepack cession. Ce n’est alors, assez logiquement, qu’en cas de modification de la mission qu’il convient de consulter les créanciers qui avaient accepté de parti­ciper à la négociation d’un accord dans le cadre d’une conciliation qui va finalement changer radicalement d’objectif. Dans l’affaire FRAM, la mission prepack a été demandée et accordée par le président du tribunal de commerce peu de temps avant la fin de la conci­liation. La consultation des créanciers participants n’a pas suscité de nombreuses réactions.

 

  • Intérêts du prepack cession

 

L’introduction de la technique du prepack cession dans notre législation est inspirée de pratiques déjà développées dans les entreprises en difficulté. La ces­sion de l’entreprise connaît un succès limité même si elle préserve l’emploi et l’activité. Afin de la favoriser, le prepack cession s’est imposé comme une mesure adaptée.

 

En premier lieu, même si cet élément n’est pas néces­sairement mis en lumière, la cession qui débute en conciliation présente l’intérêt d’associer le chef d’en­treprise à cette opération de cession alors que dans le cadre d’une procédure collective, la cession est vécue comme une expropriation à laquelle le dirigeant n’adhère pas et qu’il combat souvent en présentant un plan de redressement ou de sauvegarde. En l’espèce, la situation est diamétralement opposée, le chef d’entre­prise est le seul à pouvoir demander qu’une mission de prepack cession soit confiée au conciliateur et il va donc s’inscrire comme un partenaire et non comme un opposant. Le climat sera donc plus serein, l’infor­mation des repreneurs plus efficace.

 

En second lieu, l’intérêt majeur d’utiliser le prepack cession au cours d’une conciliation est très certaine­ment de bénéficier de la confidentialité qui est attachée à une telle procédure, confidentialité dont la Cour de cassation a, très récemment, indiqué qu’elle pouvait faire obstacle à toute diffusion par voie de presse « à moins qu’elle ne contribue à la nécessité d’informer le public sur une question d’intérêt général »2. Dans l’affaire FRAM, on a pu constater et déplorer une médiatisation de l’ensemble de la procédure, y compris de la conciliation. Toutefois, si la confidentia­lité est un atout, il ne faut pas oublier que dans le cadre du prepack cession, il convient de trouver des repre­neurs pour l’entreprise et il est bien évident qu’une concurrence entre ces derniers sera le gage d’une meil­leure valorisation. De plus, le tribunal lorsqu’un pas­sage en procédure est envisagé doit s’assurer que les démarches effectuées par le conciliateur sont jugées satisfaisantes pour éviter de faire des publicités à ce stade du processus de cession’. Dans l’affaire FRAM, à la suite de l’extension de la mission de conciliation aux fins de rechercher un acquéreur, le conciliateur a informé les repreneurs qui s’étaient déjà manifestés de sa nouvelle mission. En effet dans le cadre de ce dos­sier une cession in bonis avait d’abord été envisagée, il y avait donc des repreneurs potentiels et la médiatisa­tion de ce dossier a déclenché des offres avant même le passage en prepack. Si l’absence de confidentialité, la plupart des négociations étant relatée par la presse économique et la presse spécialisée, a parfois entravé les négociations en cours, elle a eu pour avantage de stimuler de facto les différents candidats entre eux sans que le conciliateur ait à violer l’obligation de confi­dentialité attachée à la procédure de conciliation.

 

Il y a donc un chemin très étroit à emprunter entre la confidentialité qui doit être respectée et les démarches qui s’imposent pour sécuriser une opération de cession qui doit être conforme aux objectifs légaux. À ce titre, l’expérience du dossier FRAM est intéressante car si la diffusion de l’information a pu être pénalisante, elle a tout de même permis l’apparition de repreneurs autres que ceux qui avaient pu être approchés, ce qui a assuré une bien meilleure valorisation de l’entreprise. Dès lors, ne faudrait-il pas permettre une levée de la confi­dentialité lorsqu’elle est jugée favorable par le diri­geant et le conciliateur ? Cela permettrait de s’assurer que la diffusion de l’information n’aurait pas d’impact négatif en la préparant avec les partenaires mais de toucher plus largement des repreneurs dans des sec­teurs où il existe un véritable marché. La demande de levée de la confidentialité serait faite auprès du président du tribunal par le chef d’entreprise après avis conforme du conciliateur.

 

II. Mise en œuvre du prepack cession

 

1.:article L. 611-7 du Code de commerce laisse l’al­ternative de réaliser la cession de l’entreprise selon les règles de droit commun ou bien de basculer dans une procédure judiciaire, ce qui présente bien sûr des avantages bien connus pour le repreneur mais aussi des contraintes. En présence d’un prepack cession, il apparaît que la cession dans le cadre de la procédure sera accélérée mais cette technique laisse subsister des difficultés pour la cession d’un groupe de sociétés.

 

        A) Une cession accélérée

 

L’anticipation qui est l’une des caractéristiques de la cession prepack s’accompagne lors du basculement dans une procédure judiciaire d’une accélération du processus de cession. En effet, dès le jugement d’ou­verture de la procédure, lorsque le tribunal valide les diligences faites par le conciliateur, il fixe immédia­tement la date de l’audience d’examen des offres4. Dans le dossier FRAM, l’ouverture du redressement judiciaire a eu lieu le 30 octobre 2015, le tribunal fixant l’audience d’examen des offres au 18 novembre. Des offres peuvent alors être présentées par des repre­neurs et devaient parvenir à l’administrateur au plus tard huit jours avant la date de l’audience, soit le 10 novembre. En l’espèce, de nouvelles offres ont été for­mulées dans k délai fixé par le tribunal.

 

Le délai très court fixé à dessein par le tribunal a nota­blement réduit le temps de négociation constaté habi­tuellement en plan de cession et a permis très vite à l’administrateur judiciaire d’obtenir une amélioration sensible des premières offres. Pour ce faire et respecter le délai, l’administrateur judiciaire a décidé de diffuser directement les offres à tous les candidats, ceux qui s’étaient déjà manifestés dans le cadre de la concilia­tion et ceux qui sont intervenus à la suite de l’ouver­ture de la procédure. Les repreneurs potentiels ont pu ensuite améliorer leurs offres en respectant le délai de deux jours ouvrés avant la date de l’audience’, soit jusqu’au 16 novembre.

 

Ainsi, le passage en procédure est nécessairement plus court que celui habituellement pratiqué dans une cession d’entreprise classique. Toutefois, à défaut d’aménagement des règles classiques des opérations de cession, des difficultés pratiques sont apparues pour concilier des règles impératives dont l’harmonisation a été négligée.

 

La première difficulté rencontrée, et non des moindres, qui n’est pourtant pas nouvelle, provient de la difficile harmonisation du droit social avec le droit des procé­dures collectives.

 

Dans le cadre de la préparation d’un prepack cession prévoyant la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, il faut rester vigilant, afin de respecter tous les délais prévus par les différents textes du Code du travail pour la convocation des institutions représen­tatives du personnel et l’obtention de leurs avis. Bien que les dispositions combinées des articles L. 631-19, III, du Code de commerce et L. 1233-58 et L. 1233- 34 du Code de travail ne rendent obligatoire qu’une seule réunion de consultation du comité d’entreprise, l’avis du comité d’entreprise et, le cas échéant, du CHSCT doivent être rendus au plus tard le jour ouvré avant l’audience du tribunal de commerce statuant sur le plan. En outre, les textes permettent au comité d’entreprise ou au CHSCT de recourir à un expert, ce qui a été fait dans l’affaire FRAM et n’a pas été de nature à accélérer la procédure.

 

Dans le cadre de la préparation du prepack cession de la société FRAM, plusieurs réunions ont toutefois été provoquées par les organes de la procédure, avec les représentants du personnel accompagnés de leur expert ainsi qu’avec la DIRECCTE, chargée de vali­der le plan de sauvegarde de l’emploi, dans le double objectif de les tenir informés des offres reçues et de leur évolution, mais aussi de les associer à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi. Il parait, en effet, difficilement concevable d’obtenir un avis des représentants du personnel sur un tel projet de ces­sion d’entreprise dans un délai aussi court que celui qui était imparti par le tribunal pour la finalisation de ce prepack cession, sans un dialogue constant et un échange d’informations régulier, que ce soit sur l’opé­ration projetée ou sur le projet de licenciements col­lectifs pour motif économique. Un tel échange a d’ail­leurs permis de parvenir à un accord majoritaire sur une des sociétés du groupe alors que pour les autres, il s’est agi d’un document unilatéral de l’employeur. La seconde difficulté rencontrée vient du délai prévu par les textes (6) pour la convocation des cocontractants dont les contrats sont repris, convocation qui doit intervenir 15 jours au moins avant la date d’audience. Dans le cadre du prepack cession, l’offre du repreneur étant préalablement connue et déposée, le respect de ce délai ne devrait pas poser de problème. Toutefois, dans l’hypothèse où le tribunal a fixé la date de l’au­dience d’examen des offres dans le jugement d’ouver­ture de la procédure, il demeure malgré tout possible que d’autres offres de reprise puissent parvenir à l’administrateur, au plus tard 8 jours avant cette date7. Quid alors du respect du délai de convocation des cocontractants ? Finalement pour contourner cette difficulté, l’ensemble des contractants a été convoqué rapidement après l’ouverture de la procédure dans le dossier FRAM. Toutefois, il n’est pas alors possible de savoir le contenu de l’ensemble des offres, certaines n’intervenant que postérieurement. L’information que réclament souvent les cocontractants sur les offres ne pourra pas être donnée complètement. Le respect de ce délai de 15 jours sera, dans une telle situation de réception de nouvelles offres, voire d’amélioration des offres existantes, difficilement envisageable.

 

         B) Cession prepack et groupes de sociétés

 

Le traitement des difficultés des entreprises d’un groupe de sociétés a toujours soulevé des difficultés, la réalité économique ayant du mal à s’inscrire dans la logique juridique de l’indépendance des personnes morales. Le prepack cession apporte-t-il des réponses satisfaisantes ? La réponse peut être nuancée car si l’évolution des règles procédurales paraît faciliter la cession, certaines contraintes devront être surmon­tées.

 

Dans le dossier FRAM, lors de la première phase des négociations a été étudiée puis envisagée la cession de l’intégralité des sociétés constituant le groupe. À ce stade, l’appréciation globale de la négociation ne posait aucune difficulté puisque la cession de gré à gré permettait de définir sur mesure le périmètre contrac­tuel, incluant la maison mère et ses filiales, y compris étrangères. Puis, la cession devenant indispensable et étant perçue comme une condition de survie pour le groupe, un compte à rebours tacite a imposé une négociation à marche forcée, des repreneurs envisa­geant déjà un prepack et l’ouverture d’une procédure collective. Cette affaire a permis d’éprouver le mode opératoire du prepack cession pour un groupe de sociétés d’une certaine taille (9 sociétés).

 

Or, c’est manifestement, à bien des égards, un prin­cipe contraignant qui conduit le praticien à une prise de position stratégique, parfois au-delà des textes, pour respecter l’intérêt économique du groupe. La procédure concernant le groupe FRAM en fournit une illustration, la cession, dans une évidente logique économique devant porter sur l’ensemble des socié­tés, soit trois sociétés dont le siège social était situé à Toulouse, une à Saint-Laurent-du-Var et cinq à l’étranger, dont deux en Europe.

 

Toutefois, certains obstacles sont rapidement apparus.

 

Le premier a concerné les sociétés localisées à l’étranger.

 

Il était clair que la conciliation ne pouvait être étendue aux sociétés filiales étrangères hors UE. Au sur­plus, pouvait-on envisager d’y inclure les filiales euro­péennes ? L’application du règlement n° 1346/2000 sur les procédures d’insolvabilité se serait imposée, or la procédure de conciliation ne relève pas des annexes et n’entre pas dans le périmètre de ce texte. Dès lors, le domaine de la conciliation a été limité aux sociétés situées sur le territoire français. En outre, la nécessaire rapidité de la procédure de prepack cession ne permet­tait pas raisonnablement d’élargir le périmètre de la procédure en dehors de la France.

 

La seconde difficulté rencontrée concernait la com­pétence territoriale. Dans le cadre de la concilia­tion, à la demande des banques, avait été incluse dans la démarche auprès du Tribunal de commerce de Toulouse, la filiale située à Saint-Laurent-du-Var. Cette démarche était conforme aux dispositions de l’article L. 662-2 du Code de commerce qui per­met, après avis de la Cour de cassation, de respecter la notion de groupe, et d’ouvrir une procédure pour l’ensemble des sociétés devant la même juridiction. En dehors d’une telle procédure, il faut rappeler que le tribunal n’est pas tenu de soulever d’office son incom­pétence territoriale et qu’il peut paraître opportun, face à un groupe de sociétés en difficulté, de regrouper dans une vision plus économique, l’ensemble des pro­cédures devant la même juridiction, tout spécialement lorsqu’une cession est envisagée. L’intérêt du passage en conciliation est ensuite de permettre de conserver la même compétence territoriale lors du basculement en procédure de sauvegarde, redressement ou liquida­tion judiciaires.

 

Si le processus légal est apparu difficile à mettre en place dans ce dossier, il est évident que les nouvelles dispositions de l’article L. 662-8 du Code de com­merce concernant la compétence en matière de groupe de sociétés, dans leur rédaction issue de la loi du 6 août 2015 dite loi Macron, qui entreront en applica­tion le 1er  mars 2016, auraient grandement simplifié la gestion du dossier.

 

Enfin, l’une des préoccupations a été également de préserver l’unité du groupe même si juridiquement toutes les entités sont indépendantes. Il convenait donc de définir le périmètre de la cession proposée susceptible de respecter les règles posées par la loi. Très rapidement, dans un premier temps, il avait été décidé d’exclure de la cession les sociétés filiales, car aucun des repreneurs connus n’était à l’origine intéressé. Cette solution était très préoccupante, les sociétés filiales ne devant leur survie qu’à l’activité de la mai­son mère. Finalement, le prepack a été conçu globale­ment comme devant porter sur l’ensemble des sociétés situées en France.

 

Dès lors, deux problèmes ont surgi dans cette approche, l’un lié à l’état de cessation des paiements des sociétés, l’autre à la lecture de la présentation des offres.

 

Le basculement du prepack en redressement suppose que l’ensemble des sociétés du groupe répondent aux critères d’ouverture, appréciés bien sûr société par société. Dans l’affaire FRAM, l’une des filiales, dont l’activité low cost était étroitement liée à la produc­tion de la maison mère, pouvait soulever une diffi­culté car elle ne se trouvait pas en état de cessation des paiements. Finalement, du fait de la situation du groupe et des effets négatifs de la diffusion d’infor­mations, cette société était bien en cessation des paie­ments lorsque le tribunal a statué. II avait, cependant, fallu prendre en considération cette situation pour préserver l’unité du groupe, le passage en procédure supposant de remplir les conditions d’ouverture. Cela peut être une contrainte pour la réussite d’un pre­pack conçu pour un groupe, toutes les sociétés ne se trouvant pas nécessairement dans la même situation financière. Le tribunal a donc pu ouvrir par quatre jugements indépendants, le redressement judiciaire de chacune des sociétés.

 

La seconde problématique est liée au concours des offres pendant la période ouverte avant la cession par le tribunal de commerce, un repreneur se pré­sentant comme acquéreur des actifs d’une des filiales, alors que les autres offres étaient indivisibles pour l’ensemble des actifs des quatre sociétés. Le premier a alors contesté la recevabilité des offres concurrentes qui étaient indivisibles en avançant qu’elles ne respec­taient pas le principe de l’autonomie des procédures de redressement judiciaire qui découle de l’article L. 642-1 du Code de commerce et qu’elles ne com­portaient pas non plus les mentions obligatoires pré­vues par l’article L. 642-2 du même code. Le tribunal de commerce a rejeté ces contestations au motif pre­mier qu’elles étaient irrecevables, les offres liées étant donc déclarées recevables. La prise en compte de la réalité économique du groupe achoppe sur l’approche juridique qui demeure largement individuelle même dans le cadre d’une cession d’entreprise du livre VI du code de commerce. De plus, dans les groupes de socié­tés, il convient que l’offre globale permette au tribunal d’opérer la cession dans les conditions posées par la loi. Ainsi, la répartition du prix de cession entre les diverses sociétés, proposée par le repreneur qui formu­lait une offre globale, n’était pas nécessairement liée à la valorisation de leurs actifs, mais au risque de la concurrence émanant d’une offre isolée sur certains actifs.

 

Dans l’affaire FRAM, au prix d’efforts stratégiques, la notion du groupe a été économiquement respectée, sauf en ce qui concerne les sociétés filiales étrangères dont les actifs n’ont pas pu être cédés, ces filiales fai­sant l’objet de procédures liquidatives et de cessions d’actifs de manière autonome dans les pays concernés. Même s’il reste quelques aménagements à apporter au régime juridique du prepack cession, l’affaire FRAM apporte la preuve de son efficacité sur le terrain à condition qu’une étroite collaboration s’organise, qu’un consensus majoritaire se dégage chez tous les acteurs du dossier et qu’ils se mobilisent pour faire réussir un projet économique de reprise.

 

 

1. P. Roussel-Galle et P. Le Marchand, « Du mandat ad hoc- et de la concilia­tion aux sauvegardes accélérées et prépack cession » : CDE 2015, dossier, 2 ; T. Montéran et M. Mieulle, ‘Le vade-mecum du plan de cession « pre­pack » » : BJE mai 2015, p. 164, n° 112d7 ; S. Sabathier et C. Caviglioli, « La cession dans les différentes procédures : prepack, redressement et liquidation judiciaires. : Rev. proc. coll. 2015, dossier 55.

2. Cass. com., 15 déc. 2015, n° 14-11500 ; M.-H. Monsèrié-Bon, « Mandat ad hoc- et conciliation : un fragile équilibre à préserver » : BJE déc. 2015, p. 345. n° 112u7.

3. C. com., art. L. 642-2, al. 2.

4. C. com., art. R. 642-1.

5. Ibid.

6. C. com.,  art. R. 642-7.

7. C. com., art R.642-1.

 

 

 

Guy AZAM,

Avocat Associé du Cabinet COTEG & AZAM ASSOCIES,

Avocat au Barreau de Toulouse

 

 

Mise en ligne: 04/04/2016





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