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Devoir d’information précontractuelle : la Cour de cassation resserre l’étau


20 août 2025
Par Marie Potus



  • Cass. com., 14 mai 2025, n° 23-17.948

 

Issu de la réforme du droit des contrats, l’article 1112-1 du Code civil consacre un devoir général d’information précontractuelle. Il impose à toute partie « qui détient une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre, de l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant », étant entendu qu’ « ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ». La logique semble donc claire : le lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties suffit à rendre l’information déterminante. Du moins, c’est ce que l’on croyait, jusqu’à ce que la chambre commerciale en décide autrement. Dans son arrêt du 14 mai 2025, elle rompt avec cette lecture pour imposer deux conditions autonomes. Une information ne relève du devoir d’information que si elle présente à la fois un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, et que son importance est déterminante pour le consentement de l’autre partie.

L’affaire portait sur la cession de l’intégralité des parts sociales d’une société de restauration rapide exploitée dans un local commercial. Quelques mois après la signature, l’acquéreur découvre que le règlement de copropriété, ainsi que les copropriétaires, font obstacle à l’installation d’un système d’extraction des fumées ou de ventilation, pourtant indispensable à la réalisation de fritures. S’estimant victime d’une dissimulation intentionnelle, il assigne le cédant en indemnisation.

La cour d’appel rejette la demande, au motif que l’acquéreur n’avait pas établi que cette restriction avait constitué une condition déterminante de son consentement. L’intéressé forme alors un pourvoi. Il soutient que le devoir d’information porte sur toute information présentant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, et reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché si les restrictions affectant l’exploitation du fonds de commerce ne constituaient pas, à ce titre, une information déterminante qui aurait dû lui être communiquée.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle affirme que « le devoir d’information précontractuelle ne porte que sur les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, et dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre partie ».

En dissociant ce que le texte semblait relier, la Cour de cassation durcit ainsi les conditions d’engagement du manquement au devoir précontractuel d’information. Il ne suffit plus, pour engager la responsabilité du cédant, de montrer que l’information était en lien avec le contrat (comme ici, la possibilité d’exercer l’activité projetée). Encore faut-il prouver qu’elle était déterminante et donc essentielle à l’engagement du cocontractant. La leçon est claire : on ne peut plus faire l’économie d’une traçabilité rigoureuse des attentes exprimées en amont du contrat. Ce resserrement invite donc à un formalisme accru des échanges précontractuels et à la conservation rigoureuse des éléments issus de la phase de négociation.





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