- Cass. com., 5 nov. 2025, n° 24-18.984
Faits et procédures
Le 20 mai 2009, deux époux communs en biens consentent des cautionnements au sein du même acte, en vue de garantir la même dette. Le cautionnement de l’épouse est déclaré manifestement disproportionné par un jugement irrévocable du 18 février 2021. Les 24 et 28 mars 2022, la banque a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière, portant sur un bien commun des époux. Le 4 juillet 2022, la banque assigne les époux pour voir fixer sa créance à une certaine somme, et ordonner la vente forcée de l’immeuble saisi. L’épouse oppose son absence de consentement exprès au cautionnement consenti par l’époux. La Cour d’appel de Caen ordonne la vente forcée de l’immeuble.
La règle de droit en cause
La question posée à la Cour de cassation portait sur l’article 1415 du Code civil, qui prévoit que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres par un cautionnement, à défaut de l’avoir contracté avec le consentement exprès de son conjoint. Il s’agissait alors de se demander si la remise en cause du cautionnement conclu par l’épouse sur le fondement de la disproportion manifeste était susceptible de remettre en cause son consentement au cautionnement consenti par son mari, que l’on déduit de la conclusion d’un seul et même acte.
Les arguments avancés par l’épouse
L’épouse rappelle que les deux consentements ont été recueillis dans le même acte afin de garantir la même dette. Lorsque la validité ou l’efficacité du cautionnement de l’un des époux est remise en cause, comme c’était le cas en l’espèce, sa seule signature de l’acte conclu en commun ne vaudrait pas consentement à l’acte conclu par son époux. Les biens communs ne se trouveraient alors pas engagés par le cautionnement valide de l’époux.
La position de la cour de cassation
Dans un arrêt rendu par la chambre commerciale le 5 novembre 2025, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’épouse. Elle considère que lorsque les cautionnements des époux ont été recueillis dans un acte commun, la nullité du cautionnement de l’un empêche de déduire son consentement au cautionnement conclu par l’autre de sa seule signature.
Sanction de la disposition : régime antérieur
En l’espèce, le cautionnement conclu par l’épouse n’était pas nul. En effet, sous l’empire de l’article L. 341-4 du Code de la consommation qui s’appliquait en l’espèce, la disproportion manifeste du cautionnement conclu par l’épouse empêchait la banque de s’en prévaloir, sans que sa validité ne soit remise en cause.
La signature par l’épouse de l’acte de cautionnement commun entraînait donc, à tout le moins, son consentement à l’acte conclu par son époux, qui engage donc les biens communs sur le fondement de l’article 1415 du Code civil.
Sanction de la disproportion : régime issu de la réforme
Depuis la réforme issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, l’article 2300 du Code civil prévoit que la disproportion du cautionnement consenti par la personne physique à un créancier professionnel est sanctionnée par sa réduction au montant à hauteur duquel la caution pouvait s’engager à cette date. Cet article a opéré une clarification bienvenue des conditions de mise en œuvre et de la sanction de la disproportion du cautionnement. Dans ce régime nouveau, la disproportion du cautionnement n’est pas davantage sanctionnée par la nullité, de sorte que la solution que dégage ici la Cour de cassation trouvera assurément à s’appliquer.
Une solution sévère mais juste
À première vue, la solution semble particulièrement sévère. Alors que la disproportion de l’engagement de l’épouse est établie, les biens communs des époux peuvent malgré tout être engagés. La solution se comprend néanmoins par une lecture rigoureuse de l’article 1415 du Code civil : pour l’engagement des biens communs des époux, n’est requis que le consentement de l’époux de la caution. Lorsque les deux cautionnements sont recueillis dans le même acte, et que l’un d’eux est rendu inefficace sans être annulé, alors ce second subsiste malgré tout, avec le consentement qui lui est associé.

