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Création d’un chapitre dédié aux sociétés cotées au sein du Code de commerce


2 février 2021
Par Cécile Granier
Maître de conférences en droit Privé à la Faculté de Lyon Jean Moulin LYON III



Au premier janvier, notre Code de commerce s’est (encore) épaissi. Il compte 78 articles supplémentaires logés au sein d’un nouveau-né : le chapitre X du Titre II du Code de commerce. Ce dernier est intitulé « des dispositions propres aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation » et concerne donc les sociétés cotées.

Malgré les apparences, cette réforme ne heurte pas l’objectif affiché par les pouvoirs publics de réduction de l’inflation normative et du stock déjà existant de normes. L’ordonnance du 16 septembre 2020, qui est à l’origine de cette modification, a en effet seulement procédé à la réorganisation de certaines dispositions du Titre II du Code de commerce relatif aux sociétés commerciales. Présentée par le gouvernement comme étant réalisée à droit constant, cette réforme n’a ajouté aucune disposition au droit positif. L’ordonnance s’est contentée d’expurger des articles réglementant les sociétés commerciales les dispositions relatives aux sociétés cotées et de les regrouper au sein d’un chapitre spécifique.

L’ordonnance du 16 septembre 2020 se justifie par un constat : celui d’un déficit de lisibilité et d’accessibilité du Code de commerce du fait de l’entremêlement des dispositions applicables aux sociétés cotées et non cotées. Sous l’influence notamment du législateur européen, de nombreuses règles applicables aux seules sociétés cotées ont progressivement été ajoutées dans notre Code de commerce. Initialement, le choix a été fait de les introduire au sein des articles régissant les différentes formes de société, principalement ceux relatifs à la société anonyme (art. L. 225-1 et s. du C. com.). Supportable quand elles étaient peu nombreuses, ce choix est désormais remis en cause du fait de l’accroissement des normes spécifiquement dédiées aux sociétés cotées. Leur accumulation a en effet conduit à une augmentation du volume des articles et a complexifié l’accès à la réglementation. D’abord portée par la doctrine, puis reprise dans un rapport du Haut comité juridique de la place financière de Paris, l’idée de regrouper au sein d’un chapitre unique et autonome les dispositions applicables aux sociétés cotées est présentée comme un remède à la difficile accessibilité du droit des sociétés.

L’objectif est-il atteint ?

Chacun se fera évidemment son avis avec l’expérience de la pratique des textes. Pour les sociétés non cotées, il semble assez peu contestable que l’accès à la réglementation est facilitée. Les textes ont été allégés puisque les chapitres réglementant les différentes formes sociales ne contiennent plus que des normes applicables aux sociétés non cotées. Pour les sociétés cotées, l’approche par « strates » peut faciliter la lisibilité de l’ensemble.

Formellement, la réglementation semble plus accessible, même si il a été souligné à juste titre que l’on n’échappe pas à la logique de renvois, qui en elle-même est une source de complexité (T. BONNEAU, La formalisation de la distinction entre les sociétés cotées et non cotées, Rev. des sociétés, 2020, p. 595). Les sociétés cotées sont en effet soumises aux « règles applicables à leur forme sociale, sous réserve » des règles qui leurs sont propres (art. L. 22-10-1 C. com.). La base du droit des sociétés se trouve donc toujours au sein du Titre II du Code de commerce. Si la société est cotée, les règles contenues dans le chapitre X devront alors être appliquées par dérogation. Substantiellement, le praticien en droit des sociétés doit donc toujours jongler avec le droit commun des contrats et des sociétés contenu dans le Code civil, avec le droit spécial des sociétés découlant du Titre II du Code de commerce et, enfin, le cas échéant, avec les règles applicables aux sociétés cotées. Le « mille-feuille » législatif reste, par conséquent, bien épais.

Toutefois, l’objectif poursuivi par le législateur avec l’ordonnance du 16 septembre 2020 était seulement de permettre de mieux en discerner les couches. En cela, l’objectif apparaît atteint.





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