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Loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique : la répression des atteintes à l’intimité sexuelle


18 janvier 2017



L’article 226-2-1 du Code Pénal, créé par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, instaure la répression des atteintes à l’intimité sexuelle par le biais de deux infractions distinctes.

On sait que les atteintes à la vie privée sont sanctionnées, en matière pénale, par les articles 226-1 et suivants du Code pénal. Mais ces dispositions ne parviennent pas toujours à réprimer certains comportements qui se développent grâce aux nouvelles technologies, qu’il s’agisse des « sextos » (envois de photographies sexuelles par sms), de la diffusion d’images volées, comme dans le fameux « Celebgate » d’août 2014, sanctionné par la loi américaine, V. Elodie, [Phishing] 18 mois de prison pour un hacker du #celebgate, Journal du geek, 28 octobre 2016) ou encore du non moins célèbre « revenge porn » (diffusion d’images sexuelles après une rupture sentimentale). C’est pourquoi la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a créé un nouvel article 226-2-1 du Code pénal qui comporte deux alinéas visant deux infractions bien distinctes, toutes deux sanctionnées par 2 ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende :

 

  • D’une part, le 1er alinéa reprend les délits prévus aux articles 226-1 et 226-2 (captation, conservation, diffusion ou utilisation de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ou d’images d’une personne se trouvant dans un lieu privé) pour le cas spécifique où ces paroles ou images présentent un caractère sexuel. Cette répression spécifique a un domaine d’application plus large que la répression des atteintes à la vie privée dans la mesure où il n’est pas exigé que les images « présentant un caractère sexuel » aient été prises dans un lieu privé. Cela permet d’englober des images prises dans un lieu public (plage, parc public, etc.), mais surtout de ne pas avoir à s’interroger sur le lieu où les images ont été prises (question particulièrement délicate lorsque, grâce à un logiciel de retouche d’images, l’arrière-plan de celle-ci est modifié). Il faudra bien sûr que les juges définissent ce que constitue un « caractère sexuel », ce qu’ils feront probablement en tenant compte du contexte (En ce sens, V. A. Serinet, L’instauration d’une répression des atteintes à l’intimité sexuelle par la loi pour une République numérique, Dalloz 2016, p.1711).

 

  • D’autre part, le 2nd alinéa de ce nouvel article vise le fait, « en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226-1 ». Ce texte vise à l’évidence à sanctionner le « revenge porn». On relèvera que « l’infraction de l’article 226-2-1 peut être caractérisée alors même que le prévenu s’est contenté de divulguer l’image, la vidéo ou l’enregistrement sonore à une seule personne ou auprès d’un groupe d’individus liés par une communauté d’intérêts. A plus forte raison, la répression s’impose-t-elle en cas de diffusion au public » (A. Serinet, art. préc.). Là aussi, la répression spécifique aux images « présentant un caractère sexuel » a un domaine plus large que celle relative aux atteintes à la vie privée puisque l’infraction pourra être constituée même si la victime a consenti à la captation des dites images. Autrement dit, ici, « le consentement à la captation n’emporte pas accord de diffusion » (A. Serinet, art. préc.).

 

 

 

 

Annabel QUIN,

Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud

Ancienne avocat au Barreau de Paris

 

 

 Mise en ligne: 18/01/2017





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