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Modification du Code de gouvernance Afep-Medef : l’élargissement des responsabilités du Conseil d’Administration


23 juillet 2018



Afep-Medef : Projet de loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises)

Dépassant une approche purement économique de la responsabilité de l’entreprise, la RSE (responsabilité sociale des entreprises) vise à élargir cette responsabilité à son environnement (qu’il s’agisse des relations sociales ou du territoire), et donc à prendre en considération les conséquences de cette activité sur l’environnement (les externalités négatives, comme disent les économistes).

 

Longtemps cantonnée à du droit mou, voire taxée de stratégie de communication, on voit peu à peu cette approche entrer dans le giron de la responsabilité juridique en même temps que la structure juridique sociétaire s’ouvre à des dimensions extra-économiques, et en particulier sociales et environnementales.

 

Ainsi, les sociétés cotées se sont vu peu à peu imposer l’obligation d’établir des rapports sur le respect des engagements sociaux et environnementaux.

 

C’est dans cette continuité que s’inscrit le projet de loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), présenté en Conseil des ministres le 18 juin dernier, qui entend, d’une part, consacrer la notion jurisprudentielle d’intérêt social et, d’autre part, intégrer dans cette notion la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux de l’activité économique (le nouvel article 1833 du Code civil disposerait, dans un second alinéa, que « la société est gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité »).  

 

Cet élargissement des finalités de la société rebondit logiquement sur la définition des pouvoirs et responsabilités du Conseil d’administration dans les SA.

 

C’est pourquoi le Code du gouvernement d’entreprise Afep-Medef, qui n’est pas obligatoire mais auquel les sociétés cotées choisissent volontairement de se soumettre (ou d’expliquer pourquoi elles y dérogent, dans le cadre de la règle « comply or explain »), vient d’être modifié afin notamment de tenir compte de son rôle en matière sociale et environnement.

 

Il prévoit désormais que le Conseil d’administration « s’attache à promouvoir la création de valeur par l’entreprise à long terme en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de ses activités » (art. 1.1 du Code Afep-Medef révisé en juin 2018 ; K. Deckert, Anticipant l’adoption de la future loi « Pacte », l’AFEP et le MEDEF révisent leur code de gouvernement d’entreprise, Lettre Creda-Sociétés n° 2018-11, juillet, 2018 ; Editions Francis Lefebvre, Le Code de gouvernance Afep-Medef à nouveau révisé, La Quotidienne, 29 juin 2018).

 

Cette évolution semble bien traduire une nouvelle évolution du capitalisme, dont le capitalisme financier (V. not. M. Aglietta et A. Rebérioux, Dérives du capitalisme financier, éd. Albin Michel, 2004 ; A. Quin, Transformations du capitalisme et renforcement des droits de contrôle des actionnaires dans les sociétés cotées : l’approche du droit communautaire, Les Petites Affiches, 9 août 2007, p.3-11), n’aura vraisemblablement été qu’une transition avant, sans doute, l’avènement d’un capitalisme que l’on pourrait qualifier de partenarial et qui se traduit par la mise en place de règles de gouvernance.

 

Mais cela ne doit pas faire oublier, comme le rappelle justement Mme Caroline Ruellan, que la gouvernance n’est pas une fin en soi, mais seulement un moyen au service d’une stratégie, c’est-à-dire d’un projet que l’entreprise défend (C. Ruellan, A propos de la gouvernance des entreprises, Forbes, 28 juin 2018).

 

  Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris

 Mise en ligne: 23/07/2018

 





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