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Photographie protégée par le droit d’auteur : communication à un public nouveau et consentement de l’auteur


17 septembre 2018



Photographie protégée par le droit d’auteur : sa publication sur un autre site constitue une communication à un public nouveau et nécessite le consentement de l’auteur :Cour de Justice de l’Union Européenne, 2ème Chambre, Arrêt du 7 août 2018 : 

Alors que la réforme de la directive sur le droit d’auteur divise (Règles sur le droit d’auteur : réexamen par le Parlement en septembre, Actualité du Parlement européen, 5 juillet 2018 ; C. Richir, Droit d’auteur : pourquoi la proposition de directive européenne fait-elle débat ?, Toute l’Europe, 5 juillet 2018), c’est la « vieille » directive de 2001 qui a donné lieu à un arrêt de la CJUE du 7 août 2018 (CJUE, 2ème ch., 7 août 2018, Land Nordrhein-Westfalen / M. X. ; Publication d’une photo en ligne sur un autre site : autorisation obligatoire, Legalis, 3 septembre 2018).

 

En l’espèce, une photographie bénéficiant de la protection du droit d’auteur avait été publiée sur un site internet avec l’autorisation de l’auteur.

 

Mais cette photographie avait ensuite été téléchargée par une élève pour réaliser un exposé, lequel avait été publié sur le site internet de l’école (sans le consentement du titulaire du droit d’auteur).

 

La question qui était posée à la CJUE était notamment de savoir si cette nouvelle publication devait être qualifiée d’acte de communication au public, nécessitant le consentement de l’auteur, étant précisé qu’elle avait été précédemment mise en ligne, sans mesure de restriction à son téléchargement et avec l’autorisation du titulaire du droit.

 

L’article 3, §1 de la directive 2001/29 du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information confère aux auteurs « le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres », y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres (sous réserve des exceptions et limitations énumérées à l’article 5).

 

La notion de « communication au public » nécessite, conformément à la jurisprudence traditionnelle de la CJUE, la réunion de deux éléments : un acte de communication, d’une part, adressé à un public, d’autre part.

 

Mais la question qui s’est posée était en outre de savoir si la communication visait un public nouveau.

 

En effet, une jurisprudence constante exige que la communication de l’œuvre protégée soit effectuée selon un mode technique spécifique, différent de ceux jusqu’alors utilisés (ce qui n’était pas le cas en l’espèce) ou, à défaut, auprès d’un « public nouveau », c’est-à-dire un public n’ayant pas été déjà pris en compte par le titulaire du droit d’auteur lorsqu’il a autorisé la communication initiale de son œuvre au public.

 

Ce sont surtout des considérations d’opportunité qui ont conduit la CJUE à considérer que le public visé était « nouveau ».

 

En effet, elle estime que réfuter cette qualification reviendrait à vider de sa substance le droit reconnu aux auteurs, en empêchant ceux-ci d’empêcher préventivement une communication de leurs œuvres au public.

 

De plus, cela reviendrait à consacrer un épuisement du droit d’auteur, alors que le §3 de l’article 3 de ladite directive précise au contraire que ce droit n’est pas épuisé « par un acte de communication au public, ou de mise à la disposition du public ».

 

Enfin, cela ferait perdre à l’auteur la possibilité d’exploiter commercialement la diffusion de son œuvre, comme le prévoit le Considérant 10 de ladite directive.

 

Ces raisons ont dès lors conduit la CJUE à affirmer que la communication litigieuse concernait un public nouveau dans la mesure où « le public qui a été pris en compte par le titulaire du droit d’auteur, lorsqu’il a autorisé la communication de son œuvre sur le site Internet sur lequel celui-ci a été initialement publié, est constitué des seuls utilisateurs dudit site, et non des utilisateurs du site Internet sur lequel l’œuvre a été ultérieurement mise en ligne sans l’autorisation dudit titulaire ».

 

Dès lors, le consentement de l’auteur s’imposait.

  Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris

 Mise en ligne:  17/09/2018

 





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