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Secret des consultations juridiques : un pas en avant, deux pas en arrière…


14 octobre 2024



  • Cass. crim., 24 septembre 2024, n° 23-84.244

 

Il y a quelques mois, la consécration de la confidentialité des consultations réalisées par les juristes d’entreprise était en bonne voie. Un projet de loi définitivement adopté à la fin de l’année 2023 (loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice), puis une proposition de loi (relative à la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise) adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale en mai 2024 tendaient à faire bénéficier, sous certaines conditions, les consultations rédigées par des juristes d’entreprise d’une confidentialité qui est traditionnellement réservée aux avocats. Une intervention du Conseil constitutionnel (décisions n° 2023-855 et n° 2023-856 DC du 16 novembre 2023) et une dissolution de l’Assemblée nationale plus tard, cette consécration est néanmoins restée lettre morte.

Alors que la tendance semblait être à l’extension du secret en matière de consultations juridiques, un arrêt de la Cour de cassation du 24 septembre dernier atteste également d’une tendance inverse. Largement remarquée, cette décision de la chambre criminelle écarte la confidentialité lorsque, dans le cadre d’une enquête de concurrence, les documents ou échanges intervenus entre un client et son avocat ne relèvent pas de « l’exercice des droits la défense ».

À l’origine de la décision et du litige, il y a une saisie réalisée par des agents administratifs dans le cadre d’une enquête portant sur des pratiques anticoncurrentielles. Après autorisation du juge des libertés et de la détention, conformément à l’article L. 450-4 du Code de commerce, lesdits agents ont réalisé des opérations de visite et des saisies dans les locaux d’une société. La saisie de certains des documents fut contestée au motif que ces derniers étaient couverts par le secret professionnel de l’avocat.

La Cour de cassation valide néanmoins ces saisies et contourne l’obstacle du secret professionnel au terme d’un raisonnement en deux temps.

Elle réalise en premier lieu une interprétation assurément restrictive de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, siège du secret professionnel des avocats. Ce texte prévoit en effet qu’en « (…) toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention  » officielle « , les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ». Pourtant, après avoir réaffirmé le principe selon lequel « les documents et les correspondances échangés entre le client et son avocat sont, en toutes matières, couverts par le secret professionnel », la chambre criminelle retient néanmoins que ces documents « peuvent notamment être saisis dans le cadre des opérations de visite prévues par l’article L. 450-4 du Code de commerce dès lors qu’ils ne relèvent pas de l’exercice des droits de la défense ». Ainsi, la juridiction exige, pour que la confidentialité soit efficacement invoquée, que les documents ou échanges entre l’avocat et le client s’inscrivent dans « l’exercice des droits de la défense ». La qualification s’avère périlleuse tant conseil et défense peuvent être, en pratique, indémêlables.

C’est en second lieu les articles 56-1 et 56-1-1 du Code de procédure pénale encadrant les perquisitions dans les cabinets d’avocats et dans « un lieu autre » » qui sont écartés. En matière d’enquête de concurrence, ils ne sauraient en effet être d’un quelconque secours puisque les saisies sont de nature administrative et non pénale. Cette solution apparaît d’ailleurs généralisable à toutes les saisies de documents menées par une autorité administrative (par l’Autorité des marchés financiers par exemple).
Les fondements français, tels qu’interprétés par la chambre criminelle, s’avèrent ainsi insuffisants pour sanctuariser toutes les consultations juridiques. C’est dès lors logiquement que les espoirs et les yeux se tournent désormais vers les fondements européens.





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