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Un avenir sombre pour la Scop SeaFrance


30 juillet 2015



En 2012, les marins de Calais avaient été sauvés in extremis. A l’époque, la Compagnie SeaFrance, filiale de la SNCF, avait été liquidée. Des anciens salariés de SeaFrance avaient alors créé une SCOP pour redémarrer l’activité.

Cependant, ils n’avaient pas les moyens d’acheter les bateaux. Un montage avait alors été mis en place. Eurotunnel achèterait trois bateaux de l’ex-SeaFrance et les louerait à la nouvelle SCOP SeaFrance. Ce contrat, qui est aujourd’hui le seul dont dispose la SCOP, arrive à échéance le 1er juillet 2015. De plus, il était prévu qu’Eurotunnel achèterait, via sa filiale MyFerryLink, l’ensemble des traversées, à charge pour elle re les revendre à ses clients ou de supporter les pertes si les bateaux ne sont pas remplis (et qui se sont élevées à 14 millions d’euros au premier semestre 2014). (A.Laurent, Si My Ferry Link perd la Manche, L’expansion, 7 novembre 2014).

Mais le montage de 2012 n’a pas du tout été du goût des britanniques. L’Autorité de la concurrence anglaise considère qu’Eurotunnel, qui règne déjà sur la liaison ferroviaire du tunnel sous la Manche, est en position dominante sur la ligne maritime. C’est pourquoi Eurotunnel a décidé d’abandonner l’essentiel de son activité maritime entre Calais et Douvres et a lancé un appel d’offre pour la vendre. Or c’est là que le bât blesse car Eurotunnel a décidé de vendre deux ferries à la société danoise DFDS. Or, cette dernière ne compte reprendre que 202 personnes de sorte que, avec l’unique ferry que conserve Eurotunnel, c’est 270 à 300 salariés qui vont perdre leur emploi.

Pour éviter cela, la SCOP essaie depuis plusieurs mois de monter un tour de table pour racheter les trois navires et elle a reçu le soutien de la région Nord-Pas-de-Calais. Dans le même temps, elle a demandé au tribunal une prorogation des contrats d’affrètement entre MyFerryLink et Eurotunnel. Eurotunnel s’y opposait, arguant des contrats de location qu’elle a conclus avec la Compagnie DFDS. C’est cette prorogation que le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer vient de refuser, et qui risque de sonner le glas de la SCOP. Toutefois, le tribunal a ordonné à Eurotunnel de communiquer aux administrateurs de la SCOP SeaFrance lesdits contrats d’affrètement, qui seront sans aucun doute examinés dans les moindres détails… (Des marins de MyFerryLink bloquent le port de Calais, Le monde 29 juin 2015).

 

  Annabel QUIN
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocate au Barreau de Paris

Mise en ligne : 30/07/2015

 





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