ARTICLES

Confirmation de l’inconstitutionnalité du recours généralisé et imposé à la visioconférence devant les juridictions pénales


29 juin 2021
Par Madame Cécile GRANIER, Maître de Conférences en droit Privé à l'Université Jean Moulin LYON III.



Par une décision du 4 juin dernier, le Conseil constitutionnel réitère une solution qu’il avait déjà affirmée quelques mois auparavant (C. constit., 15 janvier 2021, n° 2020-872 QPC) : le recours généralisé à la visioconférence pour les audiences pénales, à la discrétion du juge, est contraire aux droits de la défense protégés par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Deux QPC, transmises respectivement par la Cour de cassation et le Conseil d’État, contestaient la constitutionnalité de l’article 2 de l’ordonnance du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière pénale.

Rappelons que depuis une décision remarquée du Conseil constitutionnel, à compter de la date d’expiration du délai d’habilitation du gouvernement, les dispositions non ratifiées d’une ordonnance doivent être regardées comme des dispositions législatives et peuvent dès lors faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité par voie de question prioritaire de constitutionnalité (C. constit., 28 mai 2020, n° 2020-843 QPC).

La disposition critiquée énonçait que : « Nonobstant toute disposition contraire, il peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle devant l’ensemble des juridictions pénales et pour les présentations devant le procureur de la République ou devant le procureur général, sans qu’il soit nécessaire de recueillir l’accord des parties.

Le moyen de télécommunication utilisé doit permettre de certifier l’identité des personnes et garantir la qualité de la transmission ainsi que la confidentialité des échanges. Le magistrat s’assure à tout instant du bon déroulement des débats et il est dressé procès-verbal des opérations effectuées.

Le magistrat organise et conduit la procédure en veillant au respect des droits de la défense et en garantissant le caractère contradictoire des débats. (…) ».

Le contexte sanitaire avait en effet conduit le législateur à autoriser le juge, pendant la période d’urgence sanitaire, à opter pour la visioconférence sans l’accord des parties. Si le Conseil reconnaît que ces dispositions poursuivent « l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et contribuent à la mise en œuvre du principe constitutionnel de continuité du fonctionnement de la justice » (point 7), il affirme néanmoins leur inconstitutionnalité pour plusieurs raisons. 

En tant que telle, l’inconstitutionnalité ne découle pas du seul recours à la visioconférence mais dans les conditions qui conduisent à son utilisation. Aux termes de l’ordonnance, ce recours à la visioconférence est, tout d’abord, imposé aux parties. Cette configuration vise ensuite « un grand nombre de cas » (point 8) puisque cette décision est possible devant toutes les juridictions pénales et pour les présentations devant le procureur de la République ou devant le procureur général.

Enfin, la décision de recourir à ce moyen de télécommunication relève du seul juge, sans que son exercice ne soit soumis à des conditions ou critères légaux. Pour le Conseil, l’ensemble s’avère trop attentatoire aux droits de la défense, même dans un contexte de crise sanitaire.

L’inconstitutionnalité des dispositions de l’ordonnance est donc affirmée, sans que les audiences ayant pris la forme d’une visioconférence ne puissent toutefois être annulées puisque « la remise en cause des mesures ayant été prises sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution méconnaîtrait les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et aurait ainsi des conséquences manifestement excessives ».





LES AVOCATS ALTA-JURIS