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Du nouveau quant à la preuve de l’existence d’un mandat par un tiers contractant : l’admission de la preuve par tous moyens


9 septembre 2016



Désormais, une copie informatique devrait permettre de prouver le mandat dès lors que l’on s’assure que le mandat émane bien de la personne à laquelle on l’oppose et que l’intégrité du document a bien été assurée.

En l’espèce, le titulaire d’un compte sur livret a assigné une banque pour avoir exécuté un ordre de virement donné par son épouse, séparée de bien. La banque a soutenu en défense que l’épouse bénéficiait d’une procuration sur ce livret, mais elle ne pouvait pas produire celle-ci, et a simplement versé aux débats une copie informatique mentionnant l’existence du mandat.

 

Traditionnellement, la jurisprudence décide, en matière de mandat, que le tiers contractant est soumis au même régime que les parties, de sorte qu’il ne peut prouver le mandat que selon les mêmes modes que les parties elles-mêmes. Concrètement, en matière civile (car la preuve est libre en matière commerciale), il faudra que la banque produise la procuration donnée. C’est pourquoi la Cour d’appel a relevé, dans l’espèce rapportée, que la banque « n’est pas en mesure de produire la procuration en vertu de laquelle elle a procédé aux virements » avant de décider que « la copie informatique versée aux débats mentionnant l’existence de cette procuration ne peut servir de preuve dématérialisée au sens de l’article 1348 du code civil ni de commencement de preuve par écrit car elle émane de l’établissement » bancaire. (Cette motivation n’est pas pleinement convaincante car la règle selon laquelle « Nul ne peut se constituer une preuve à soi-même » ne s’applique pas aux faits juridiques). Autrement dit, la Cour d’appel confirme la jurisprudence et déboute la banque qui ne peut pas produire la procuration aux débats.

 

Or, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation censure cette décision dans un arrêt rendu le 3 juin 2015 (n° 14-19825 et 14-20518 ; J. Huet, Admission de la preuve par tous moyens de l’existence d’un mandat par le tiers cocontractant) en affirmant que « le banquier dépositaire, qui se borne à exécuter les ordres de paiement que lui transmet le mandataire du déposant, peut rapporter la preuve par tous moyens du contrat de mandat auquel il n’est pas partie ». Il semble donc qu’on assiste ici, sous l’influence du développement de l’informatique, à un revirement de jurisprudence. Désormais, une copie informatique devrait permettre de prouver le mandat dès lors, bien sûr, que l’on s’assure que le mandat émane bien de la personne à laquelle on l’oppose et que l’intégrité du document a bien été assurée, conformément aux dispositions de l’article 1316-1 du Code civil (qui figureront désormais à l’article 1366 du Code civil à compter du 1er octobre 2016, en vertu de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations).

 

 

 

 

 

Annabel QUIN,

Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud

Ancienne avocat au Barreau de Paris

 

 

 Mise en ligne: 09/09/2016





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