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L’accès à ses données médicales est de droit et constitue un motif légitime au regard de l’article 145 du Code de procédure civile


3 février 2022
Par Marie POTUS
Doctorante en droit Privé à l'Université Jean Moulin LYON III



L’accès à ses données médicales est de droit et constitue un motif légitime au regard de l’article 145 du Code de procédure civile.

Voilà, en substance, ce que nous enseigne la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans sa décision du 30 septembre dernier (n° 19-25.045).

L’affaire, somme toute classique, opposait la victime d’un accident de la circulation et sa famille à l’assureur du véhicule impliqué ainsi que certains organismes tiers payeurs. En suite d’une expertise amiable diligentée par l’assureur et réalisée par un médecin désigné par lui, la victime et ses parents ont assigné l’assureur, une société, et une mutuelle aux fins d’obtenir en référé une mesure d’expertise médicale destinée à évaluer le préjudice corporel, le versement d’une provision et la communication des notes techniques de l’expert amiable de l’assureur.

C’est essentiellement autour de ce dernier point que le conflit s’est cristallisé.

En effet, alors que le premier juge avait ordonné la communication des pièces à la victime sous astreinte, la Cour d’appel de Versailles a fait volte-face dans son arrêt du 24 octobre 2019 aux motifs d’une part, que la demande de communication n’était pas suffisamment précise, dans la mesure où elle ne se limitait pas à des données strictement médicales et d’autre part, que la victime ne démontrait pas son intérêt légitime à obtenir les documents réclamés, dont l’existence même n’était pas établie de manière certaine, et pour lesquels l’assureur faisait valoir qu’ils pouvaient contenir, outre des éléments médicaux, des informations strictement confidentielles d’ordre administratif et financier.

À première vue le raisonnement de la Cour d’appel n’avait pas de quoi surprendre. L’article 145 du Code de procédure civile conditionne en effet la possibilité d’ordonner des mesures d’instruction, parmi lesquelles la production ou la communication de pièces, à l’existence d’« un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ».

Il est, en outre, de jurisprudence constante que l’appréciation des motifs légitimes relève du pouvoir souverain des juges du fond (voir par ex. Cass. 2ième civ. 10 décembre 2020, n° 19-22.619). Faute, pour le demandeur, d’établir avec certitude l’existence des documents et de rapporter la preuve de leur utilité, la décision de la Cour d’appel semblait donc parfaitement justifiée.

Reste qu’en l’espèce, la nature particulière des pièces dont la communication était demandée (à savoir des données personnelles de santé) soulevait la question de l’application des règles probatoires posées par l’article 145 du Code de procédure civile. Selon le pourvoi en effet, l’article L.1111-7 du Code de la santé publique prévoit que « toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues », de sorte qu’il importait peu que la victime n’ait pas rapporté la preuve de l’existence des documents ou de leur utilité pour la résolution du litige futur, tout comme il importait peu que le document ait pu être confidentiel.

L’argument, pleinement reçu par les magistrats de la Cour de cassation, a conduit à la censure de l’arrêt au double visa des articles 145 et L. 1111-7 précités.

L’occasion de souligner qu’en matière de données personnelles de santé, le droit d’accès des individus concernés constitue à lui seul un intérêt légitime pour qu’elles lui soient communiquées.

En conséquence de quoi, « il appartient, d’une part, au médecin-conseil de l’assureur chargé de procéder à l’expertise d’une victime de communiquer à celle-ci les informations relatives à sa santé, recueillies au cours de l’expertise, qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé, d’autre part, à l’assureur auquel le médecin-conseil a transmis des informations concernant la santé de la victime de s’assurer que ce médecin les a communiquées à celle-ci ».





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