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l’entente des fabricants de sandwichs industriels sanctionnée


12 avril 2021
Par Cécile GRANIER
Maître de conférences en droit Privé à la Faculté de Lyon Jean Moulin LYON III.



  • Conc., 24 mars 2021, n° 21-D-09

L’Autorité de la concurrence vient de condamner pour entente sur les prix les trois principaux fabricants français de sandwichs industriels vendus sous marque de distributeurs.

Le montant global de la sanction prononcée à l’encontre des entreprises à l’origine de l’entente dépasse vingt-quatre millions d’euros.

La répartition de cette sanction entre les différents protagonistes se révèle toutefois largement inégalitaire.

L’entreprise Roland Monterrat, ayant pourtant fait partie intégrante de l’entente sanctionnée, n’est condamnée au paiement d’aucune somme.

Cette « immunité » se justifie par le recours à la procédure de clémence, consacrée en 2001 par le législateur français.

Il est ainsi prévu dans le Code de commerce qu’« Une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou à un organisme qui a, avec d’autres, mis en oeuvre une pratique prohibée par les dispositions de l’article L. 420-1 s’il a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d’information dont l’Autorité ou l’administration ne disposaient pas antérieurement ».

En l’espèce, la mise en œuvre de cette procédure spécifique a été sollicitée par l’entreprise Roland Monterrat, qui a donc dévoilé les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre avec ses concurrents.

Suite à des opérations d’instruction menées par l’Autorité de la concurrence, les deux autres entreprises participantes à l’entente ont également demandé à bénéficier de la procédure de clémence en apportant des informations supplémentaires à l’instruction attestant de la réalité et des modalités de l’entente.

L’exonération dont elles ont bénéficié n’est toutefois que partielle et son ampleur proportionnelle aux éléments apportés à l’instruction.

La société la Toque Angevine est ainsi condamnée au paiement de plus de 15.000.000 d’euros et la société Daunat au paiement de la somme de 9.000.000 euros. L’ensemble des entreprises a donc mobilisé la procédure de clémence dans cette affaire.

La pratique anticoncurrentielle à l’origine des condamnations a consisté en une entente sur les prix entretenue pendant plus de six ans par les trois parties à l’entente.

C’est dans un contexte de forte concurrence dans le cadre d’appel d’offres émis par les entreprises de la grande distribution et les stations-service que les entreprises condamnées ont décidé de s’accorder à la fois sur les prix mais aussi sur une répartition des volumes et des clients.

Ce « pacte de non-agression », selon les termes de la décision, avait pour finalité de permettre aux entreprises participantes de maintenir leur position et leurs marges sur le marché en cause en mettant fin à une « guerre des prix » qui leur était préjudiciable.

De nombreux documents fournis par les parties et sur lesquels le régulateur de la concurrence se fonde dans sa décision attestent que les entreprises se sont entendues pour se répartir les appels d’offres et pour aligner leur prix dans ce cadre.

Ces pratiques sont anticoncurrentielles du fait de leur objet puisque leur finalité première est de fausser le jeu de la concurrence sur un marché (art. L. 420-1 du Code de commerce). La seule démonstration de la fin de l’entente justifie donc la condamnation prononcée.

La « guerre des prix » peut donc reprendre sur le marché du sandwich ! 





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