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Marché de l’art — Modernisation du cadre juridique


2 mai 2022
Par Marie POTUS
doctorante en droit Privé à l’Université Jean Moulin LYON III



Grandement attendue par les professionnels du marché de l’art qui déplorent unanimement un déclin de la place de la France sur la scène internationale, la proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l’art vient enfin d’être adoptée, le 28 février dernier, après que son examen ait été fortement perturbé par la crise sanitaire. Issue d’une proposition déposée par la sénatrice de la Seine-Maritime, madame Catherine Morin-Desailly, dès le début de l’année 2019, la loi n° 2022-267 est entrée en vigueur le 2 mars 2022.

Aux fins de parvenir aux objectifs poursuivis (à savoir promouvoir l’attractivité et la compétitivité juridique de la France dans ce domaine), la principale innovation (article 2) consiste en la modernisation de l’autorité de régulation du secteur d’activité, actuel « Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques » (CVV), qui sera rebaptisé « Conseil des maisons de vente » dès que les décrets d’application auront été adoptés. En plus de ses précédentes missions, le Conseil devra dorénavant soutenir et promouvoir la qualité et la sécurité des ventes par des actions répondant à l’intérêt collectif de la profession (3°) ainsi qu’informer les professionnels et le public sur la réglementation applicable (4°). Il devra également assurer l’organisation de la formation en vue de l’obtention de la qualification requise pour diriger les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (5°) ainsi que prévenir ou concilier tous différends d’ordre professionnel (11°). En outre, le Conseil sera désormais composé de deux organes, afin de devenir « un véritable outil de concertation entre le Gouvernement et les professionnels » : une commission des sanctions et un collège. S’agissant de ce dernier, les représentants, majoritairement des commissaires-priseurs (six membres sur onze, contre trois auparavant) ne seront plus nommés par le Gouvernement, mais élus par leurs pairs selon des critères permettant de refléter une certaine diversité territoriale (trois personnalités exerçant dans la région d’Île-de-France, et trois en dehors). Quant à la commission indépendante chargée des « différends et des sanctions », nouveauté introduite par la loi, elle se composera de trois membres nommés pour quatre ans par le ministre de la Justice : un membre du Conseil d’État, un conseiller à la Cour de cassation et un professionnel ayant cessé d’exercer depuis moins de cinq ans ; professionnels qui délaisseront au passage leur titre d’« opérateur de vente volontaire de meubles aux enchères publiques » pour retrouver celui de « commissaires-priseurs ». Elle aura la charge de la procédure disciplinaire organisée aux articles L. 321-23 à L. 321-23-3 du Code de commerce. Enfin, au-delà de ses missions, de son organisation et de sa composition, ce sont également les modalités de financement du Conseil qui seront modifiées selon des conditions fixées au nouvel article L. 321-19 du Code de commerce.

Aux côtés de ces nouvelles dispositions applicables au Conseil des maisons de vente, on notera également d’autres innovations bienvenues et notamment l’extension du périmètre d’activité des commissaires-priseurs qui pourront désormais : pratiquer des inventaires successoraux facultatifs en concurrence avec les notaires (article 3), réaliser des ventes surveillées (article 6) et surtout procéder à la vente aux enchères des meubles incorporels tels que les brevets, marques, les fonds de commerce, voire les NFT (article 5).

Enfin, on relèvera l’allégement du formalisme des ventes de gré à gré (article 8) ainsi que l’inscription dans la loi (à l’article L. 321-14 du Code de commerce) de l’impossibilité, pour l’adjudicataire défaillant, de se prévaloir de la résolution de la vente pour se soustraire à ses obligations (article 10) conformément à ce qu’avait décidé la première chambre civile de la Cour de cassation dans une décision du 10 décembre 2014 (n° 13-24.043).





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