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Open data des données de transport : une marche arrière avant la mise en place ?


19 février 2018



Article 4 de la loi dite Macron du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

On se souvient que l’article 4 de la loi dite Macron du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques avait imposé un Open Data par défaut (et gratuit, dans certaines limites cependant) en ce qui concerne « les données des services réguliers de transport public de personnes et des services de mobilité », « en vue d’informer les usagers et de fournir le meilleur service, notamment en permettant l’organisation optimale des services de mobilité et des modes de transport ».

 

L’entrée en vigueur de ce texte était subordonnée à l’adoption d’un décret en Conseil d’Etat, qui était censé intervenir avant le 6 novembre 2015.

 

Cependant, comme nous l’évoquions à propos de l’Open data par défaut applicable aux données produites par les administrations (A. Quin, L’étendue du principe de l’ « Open data par défaut » affirmé par la loi pour une République numérique : les documents concernés, Blog d’Altajuris International, 29 mars 2017), l’Open data ne devrait pas être mis en place de façon naïve, faute de quoi il pourrait profiter aux intérêts des grands opérateurs américains, qui « disposent de la force de frappe financière et technique pour capter à leur profit les richesses représentées par les flux de données, et désintermédier à terme les opérateurs » (L. Steinmann, Data : la SNCF, la RATP, Transdev et Blablacar s’allient pour contrer Google, Les Echos, 30 août 2017 ; V. égal. K. Favro, Introduction, in Open data : une révolution en marche, LEGICOM 2016/1, n° 56, p. 3 et s., spéc. p.9).

 

Une ouverture progressive, parallèlement au renforcement de notre économie numérique, semble plus à même de préserver nos intérêts économiques et, partant, notre souveraineté.

 

Cela peut expliquer la décision du gouvernement de suspendre la publication du décret d’application de l’article 4 de la loi du 6 août 2015 (X. Berne, Le gouvernement suspend le décret sur la mise en Open data des données de transport, Nextinpact, 6 novembre 2017), outre la nécessité de coordonner cette ouverture des données avec, d’une part, le futur projet de loi d’orientation des mobilités et, d’autre part, le règlement délégué européen du 31 mai 2017 sur les transports multimodaux.

 

Mais cette suspension ne devrait pas être interprétée comme un enterrement de l’Open data des données de transport (mis à part la gratuité, qui semble reculer irrémédiablement), car des évolutions semblent émerger de part et d’autre.

 

D’une part, la SNCF, la RATP, Transdev et Blablacar auraient signé l’été dernier un protocole d’accord portant sur la création d’un « data warehouse », c’est-à-dire un entrepôt de données commun (L. Steinmann, art. préc.).

 

D’autre part, le ministère des transports a confié à une « start-up d’Etat », c’est-à-dire une équipe dédiée, la création d’un « point d’accès national » qui centraliserait les données de transport.

 

On peut penser que ces deux initiatives ont vocation à se rencontrer dans la perspective de faire face aux géants américains.

 

Reste à savoir comment chacun parviendra à trouver sa place dans ce nouveau conglomérat, qui n’exclut pas des stratégies propres dans le cadre de ce qu’on appelle désormais la coopétition, et qui conduit chacun à ambitionner de devenir « la » plateforme incontournable.

 

  Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris

 Mise en ligne: 19/02/2018

 





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