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Rejet de la force majeure invoquée par le créancier d’une obligation


9 mars 2021
Par Madame Cécile GRANIER
Maître de conférences en droit Privé à la Faculté de Lyon Jean Moulin LYON III



Civ. 1ère, 25 novembre 2020, n°19-21060

Le 25 novembre dernier, la Cour de cassation a rendu une décision relative à la force majeure dont la portée pourrait être considérable en ces temps de pandémie. Les faits étaient d’une relative simplicité. Un couple avait conclu un contrat d’hébergement dont le prix avait été réglé mais dont il n’avait pas pu profiter du fait de l’état de santé de l’époux. Sur la vingtaine de nuits réservées, ils ne purent en réaliser que quelques unes puisque l’époux fut hospitalisé à 130 kilomètres du lieu de résidence quatre jours après le début de l’hébergement et que son épouse décida de l’y rejoindre quelques jours plus tard. Les époux malheureux ont alors souhaité obtenir le remboursement du prix du séjour. Pour ce faire, ils requirent la résolution du contrat en invoquant la force majeure. L’article 1218 alinéa 2 du Code civil prévoit en effet que si l’empêchement constitutif de l’évènement de force majeure est définitif « le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations (…) ».

Alors que la Cour d’appel avait caractérisé la force majeure et fait droit aux demandes des époux, la Cour de cassation revient sur sa décision. Sa solution est entièrement fondée sur l’article 1218 du Code civil qui définit la force majeure depuis l’ordonnance du 10 février 2016. Selon cette disposition, « il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ». Interprétant littéralement cette disposition, la première chambre civile affirme que « le créancier qui n’a pu profiter de la prestation à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat en invoquant la force majeure ».

Il apparaît ainsi que la force majeure qui est une cause d’exonération de responsabilité du débiteur défaillant ne peut être appréhendée qu’à travers le prisme de ce débiteur. En l’espèce, le débiteur de l’obligation d’hébergement était le prestataire. Or, celui-ci n’a pas été empêché de fournir la prestation du fait de l’évènement de force majeure. C’est seulement le créancier qui n’a pas pu en profiter du fait de sa maladie. Comme le souligne la Cour de cassation, les époux n’avaient pas été empêchés d’exécuter leur obligation puisque le prix avait bien été payé. Les demandeurs ne peuvent alors obtenir remboursement du prix sur le fondement de la force majeure.

Le contexte dans lequel s’inscrit cette décision sévère pour les demandeurs ne semble pas anodin. Peut-être faut-il y déceler une volonté de la Cour de cassation de tuer dans l’œuf un contentieux potentiellement abondant initié par des créanciers n’ayant pu profiter de prestations promises du fait des restrictions consécutives à la crise sanitaire.

 





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