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Déplafonnement du salaire du futur dirigeant d’EDF : données juridiques


4 octobre 2022
Par Cécile Granier



Dans sa quête d’un remplaçant de Jean-Bernard Levy à la direction d’EDF, le gouvernement est naturellement tenté de se prévaloir de l’argument salarial pour attirer les candidats au poste. Il n’en fallait pas plus pour qu’une fois encore soit mise sur table la sempiternelle question de l’encadrement de la rémunération des dirigeants sociaux. L’angle apparaît néanmoins original.

Ce sont traditionnellement les rémunérations conséquentes octroyées aux dirigeants de grandes entreprises qui questionnent leur encadrement. Le dernier épisode date d’avril 2022 lorsque fut dévoilée la rémunération du patron de Stellantis pour 2021 (estimée à plus de 65 millions d’euros). La diffusion de cette information ne manqua pas de générer son lot de réactions indignées et de déclarations politiques dans le sens d’une limitation de ces rémunérations. Dans l’affaire EDF, une fois n’est pas coutume, c’est le risque d’un salaire trop bas et donc insuffisant pour convaincre un dirigeant expérimenté de se frotter aux défis considérables qui attendent l’entreprise qui est pointé par le gouvernement.

Si un plafonnement de la rémunération des dirigeants sociaux a parfois été évoqué, il n’existe en droit français aucune disposition la limitant au sein des entreprises privées. Ce sont des techniques juridiques autres qui ont été mobilisées, avec plus ou moins de succès. Des textes successifs ont ainsi tenté de limiter les rémunérations excessives des dirigeants sociaux en jouant sur plusieurs leviers. Tout d’abord, sous l’influence des idées issues du gouvernement d’entreprise, les sociétés furent contraintes de dévoiler les rémunérations octroyées (loi n° 2001-420 NRE du 15 mai loi 2001). Ce furent ensuite certains éléments de rémunération controversés (parachutes dorés, retraites chapeau) qui furent soumis à la procédure des conventions réglementées dans les sociétés cotées sous l’effet des lois dites « Breton » (loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005) et « Macron » (loi n° 2015-990 du 6 août 2015). Enfin, plus récemment, fut instauré dans les sociétés cotées un say on pay contraignant par l’ordonnance n° 2019-1934 du 27 novembre 2019.

La situation est bien différente dans les entreprises publiques, c’est-à-dire contrôlées par les pouvoirs publics. Depuis un décret du 26 juillet 2012, la rémunération des dirigeants y est en effet plafonnée. Ce texte a modifié l’article 3 du décret n° 53-707 du 9 août 1953 relatif au contrôle de l’Etat sur les entreprises publiques nationales et certains organismes ayant un objet d’ordre économique ou social. Il est tout d’abord prévu la fixation ou l’approbation par les ministres chargés de l’économie et du budget des différents éléments de rémunération octroyés aux dirigeants sociaux d’entreprises publiques nationales. L’article énonce ensuite que lesdites décisions des ministres « (…) ne doivent pas conduire à fixer ou approuver des rémunérations excédant un plafond brut de 450 000 euros ». Ce plafonnement concerne les principaux dirigeants (présidents du conseil d’administration, directeurs généraux, directeurs généraux délégués, présidents-directeurs généraux, présidents et membres de directoire, présidents du conseil de surveillance, présidents, gérants) et englobe les jetons de présence ou indemnités alloués aux membres de conseil d’administration, de conseil de surveillance ou de gérance ainsi que leurs « éléments de rémunération d’activité ». Ne sont donc pas compris dans ce plafond, « les avantages de toute natures liés à l’activité ainsi que les éléments de rémunération, indemnités ou avantages dus ou susceptibles d’être dus (…) en raison de leur cessation d’activité ou de leur changement de fonctions ou postérieurement à ceux-ci » (art. 3 3°)

Dans un marché des dirigeants mondialisé, ce plafonnement peut être perçu comme une limite entravant la recherche d’un dirigeant performant. Confronté à cette réalité, le gouvernement pourrait dès lors se saisir d’une possibilité offerte par le même article puisqu’il est prévu que « ce plafond peut être modifié par décret ». Une seconde hypothèse pourrait consister à prendre un décret dérogeant à ce plafond seulement pour le dirigeant d’EDF. Malgré une brèche notable, le plafonnement de la rémunération des entreprises publiques serait alors maintenu au même niveau. Affaire à suivre !





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