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Gage sur stock conclu dans le cadre d’une opération de crédit avec un établissement de crédit : exclusion du droit commun du gage sans dépossession par l’Assemblée plénière


6 janvier 2016



Les parties, dont l’une est un établissement de crédit, tenues par un gage sans dépossession sur les stocks de l’emprunteur, ne peuvent recourir librement au gage de droit commun – Arrêt de l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation du 7 décembre 2015

Tout crédit consenti par un établissement de crédit à une personne morale de droit privé ou à une personne physique dans l’exercice de son activité professionnelle peut être garanti par un gage sans dépossession des stocks détenus par l’emprunteur (art.L.527-1 du Code de commerce, issu de l’Ord. Du 23 mars 2006). Ce gage est soumis à un régime particulier, plus contraignant que celui du gage de droit commun : mentions impératives du contrat de gage (art.L.527-1, al.3) ; publicité du gage dans les 15 jours de sa constitution sous peine de nullité de la garantie (art.L.527-4) ; prohibition du pacte commissoire, c’est-à-dire de la clause prévoyant que le créancier deviendra propriétaire des stocks en cas de non-paiement de la dette exigible par le débiteur (art.L.527-2) ; impossibilité pour le créancier de réclamer une reconstitution du stock gagé ou un remboursement anticipé si la valeur du stock n’a pas baissé d’au moins 20% (art.L.527-7).

 

La question était de savoir si les parties, dont l’une est un établissement de crédit, qui conviennent d’un gage sur les stocks de l’emprunteur sans dépossession pour garantir une opération de crédit, peuvent librement avoir recours au gage de droit commun, régi par le code civil qui autorise le pacte commissoire. La chambre commerciale de la Cour de cassation avait répondu par la négative, mais la Cour d’appel de renvoi avait résisté (EFL, Gage sur stocks : le droit commun du gage est inapplicable).

 

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation vient de trancher en faveur de la position de la Chambre commerciale (Cass.Ass.plén., 7 décembre 2015, n°14-18.435). Cette solution s’explique par la volonté d’assurer un certain équilibre entre les créanciers dansle cadre des procédures collectives et de préserver l’activité des entreprises. Comme l’explique la Cour de cassation dans un communiqué commentant cet arrêt, « la mise en œuvre du pacte commissoire, qui ne fait à ce jour l’objet d’aucun encadrement particulier, par un établissement de crédit qui, lorsqu’il a en charge la gestion des comptes de l’entreprise, bénéficie d’un poste d’observation privilégié, est en effet de nature à compromettre les procédures collectives et plus spécialement les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire. Aucune poursuite d’activité ne pourrait être envisageable dès lors que ce créancier, cherchant à anticiper sur de futures difficultés financières, se ferait attribuer les stocks gagés en sollicitant la réalisation du pacte commissoire ».

 

Mais cette solution sera bientôt obsolète. La loi Macron du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a autorisé le Gouvernement à réformer par ordonnance, avant le 6 février 2016, le gage des stocks pour le rapprocher du gage de droit commun, notamment en permettant la conclusion d’un pacte commissoire (S.Pelletier, Loi Macron du 6 août 2015 : Présentation des impacts sur les procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises, Flash Info Brunswick, spéc.p.3 in fine ; EFL, art. préc.).

 

 

Annabel QUIN,

Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud

Ancienne avocat au Barreau de Paris

 

 

Mise en ligne: 06/01/2016





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