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Gmail n’est pas un service de communications électroniques au sens de la directive-cadre du 7 mars 2002


9 juillet 2019
Par Annabel QUIN
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris



Arrêt rendu le 13 juin 2019 par la Cour de Justice de l’Union Européenne 

L’article 1er de la directive 2002/21/CE du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive-cadre) définit le service de communications électroniques comme « le service fourni normalement contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques ».

Le texte précise que cette notion inclut « les services de télécommunications et les services de transmission sur les réseaux utilisés pour la radiodiffusion », mais exclut « les services consistant à fournir des contenus à l’aide de réseaux et de services de communications électroniques ou à exercer une responsabilité éditoriale sur ces contenus ».

Autrement dit, le cadre commun ainsi institué s’applique uniquement aux services de transmission du contenu, et non aux services de production de celui-ci (lesquels impliquent une responsabilité éditoriale).

En l’espèce, le problème de qualification concernait le service de messagerie Gmail, dans la mesure où il est distinct de la fourniture d’accès à Internet.

Dans un arrêt rendu le 13 juin 2019 (Coogle LLC vs Bundesrepublik Deutschland), la CJUE estime qu’il ne constitue pas un service de communication électronique au sens de la directive-cadre précitée.

Certes, dans le cadre de Gmail, Google effectue bien une transmission de signaux.

En effet, « lorsqu’un email est envoyé, les données ne sont pas modifiées, mais fractionnées en plusieurs paquets de données distincts qui sont transmis au destinataire au moyen des protocoles de communications standardisés » (S.Schürch, art. préc.).

Puis, comme l’expose l’arrêt de la CJUE (point 13), « l’itinéraire suivi par ces paquets à travers les divers réseaux partiels de l’Internet, exploités par des tiers, est dynamique et peut être constamment modifié, sans que l’utilisateur à l’origine de l’envoi en ait connaissance ou puisse le contrôler.

A la réception, un serveur de destination enregistre le courrier électronique et le conserve dans une boîte aux lettres électronique auquel le destinataire peut accéder par divers moyens.

Le chemin parcouru par les courriers électroniques sur Internet peut être plus court lorsqu’ils sont acheminés entre des utilisateurs du même fournisseur de services ».

Par conséquent, Google participe à la transmission des signaux, comme le constate la CJUE (point 34).

Toutefois, la qualification de service de communication électronique doit être écartée pour deux raisons.

D’une part et conformément à sa jurisprudence antérieure, la CJUE précise que le fait que les signaux soient transmis sur des réseaux appartenant à des tiers n’a pas d’incidence sur la qualification du service.

Ce qui est essentiel, c’est « le fait que le prestataire [soit] responsable envers les utilisateurs finaux de la transmission du signal qui garantit à ces derniers la fourniture du service auquel ils se sont abonnés » (S.Schürch, Gmail est-il un service de télécommunications ? », LawInside, 22 juin 2019).

D’autre part, la qualification de service de communication électronique nécessite que le service fourni « consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques ».

Or, la CJUE considère que cet élément fait défaut, même si Google intervient activement dans les opérations d’envoi et de réception des messages.

Elle estime que « ce sont, d’une part, les FAI des expéditeurs et des destinataires de courriers ainsi que, le cas échéant, des prestataires de services de messagerie sur Internet et, d’autre part, les gestionnaires des différents réseaux constituant l’Internet ouvert qui assurent, pour l’essentiel, la transmission des signaux nécessaires au fonctionnement de tout service de messagerie sur Internet et qui en assument la responsabilité au sens de l’arrêt du 30 avril 2014, UPC DTH, C-475/12, EU :C :2014 :285) ».

Enfin, il convient d’observer que cette décision ne remet pas en cause la qualification de service de communication électroniques pour d’autres activités de Google, et en particulier pour l’exploitation de ses propres réseaux d’accès à Internet.

 

 

 

 





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