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Le caractère supplétif de la réforme du droit des contrats et ses limites


18 avril 2016



L’ordonnance du 10 février 2016 relative à la réforme du droit des contrats est notamment tempérée par le principe de liberté contractuelle.

 

On se souvient que l’ordonnance du 10 février 2016 a modifié en profondeur le droit des contrats (A. Quin, Les objectifs de la réforme du droit des contrats par l’ordonnance du 10 février 2016, Blog d’Altajuris, 10 mars 2016). Le rapport au Président de la République, qui tient un peu lieu de travaux préparatoires faute d’avoir eu un débat parlementaire, précise, à l’occasion du commentaire du nouvel article 1104 du Code civil, que « la présente ordonnance [est] supplétive de volonté sauf disposition contraire ».

 

Cela rejoint le principe de liberté contractuelle, affirmé par le nouvel article 1102 du Code civil sous réserve de ne pas déroger aux règles qui intéressent l’ordre public. Par rapport à la rédaction de l’article 6 du Code civil, on peut noter la disparition de la référence aux bonnes mœurs, mais aussi le remplacement des termes « lois » par « règles » qui intéressent l’ordre public. Cela pourrait signifier que, comme auparavant, l’ordre public n’est pas seulement textuel et qu’il appartiendra aux juges, dans le silence des textes, de déterminer ceux qui sont d’ordre public. Ainsi, « lorsque le législateur définit ce qui est un terme ou une condition, il n’est pas question de déroger par exemple à cette définition. Mais (…) lorsque l’on sera confronté à une difficulté, on pourra arbitrer par préférence et en priorité en faveur de la liberté qui est le principe, et l’ordre public qui doit rester l’exception » (Ph. Dupichot, in MOOC droit des contrats, vidéo S1.7, « Le général et le spécial, le supplétif et l’impératif »). De même, « quand l’article 1124 nouveau affirme que « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis », revenant sur la fameuse et controversée jurisprudence Consorts Cruz, peut-on y déroger ? Oui, sans doute en laissant au promettant une faculté de rétractation. Mais la rédaction souvent directive des textes, ainsi que l’implication des tiers parfois, peuvent laisser un doute » (B. Dondero, La réforme du droit des contrats (ordonnance n° 2016-131 du 10 févr. 2016), Le blog du professeur Bruno Dondero, 12 février 2016).

 

Reste que lorsque le législateur a précisé qu’une disposition était d’ordre public, il ne peut y être dérogé. Il en est ainsi notamment en ce qui concerne l’exigence de bonne foi, qui est désormais requise par le nouvel article 1104 du Code civil non seulement lors de l’exécution du contrat, comme auparavant, mais aussi lors de sa négociation et lors de sa formation, ce qui confirme la jurisprudence qui sanctionnait la rupture abusive des pourparlers ou bien exigeait que la faculté de dédit soit exercée de bonne foi (M. Mignot, Commentaire article par article de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, (I), Les Petites Affiches, 26 février 2016, n°41, p.8 et suiv.).

 

 

 

 

 

Annabel QUIN,

Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud

Ancienne avocat au Barreau de Paris

 

 

 Mise en ligne: 18/04/2016





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