Le droit de se taire ou droit à garder le silence dont dispose une personne poursuivie a été au cœur de plusieurs décisions récentes.
La Cour de justice de l’Union européenne, tout d’abord, a rendu une décision remarquée le 2 février dernier (C-481/19). Elle avait été saisie d’une question préjudicielle posée par la Cour constitutionnelle italienne relative à la conformité à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne d’une disposition prévoyant une sanction en cas de refus d’obtempérer dans les délais aux demandes de l’autorité de régulation des marchés financiers italienne (la Consob).
Dans le cadre d’une enquête administrative pour délit d’initié, un ressortissant avait choisi de garder le silence et avait alors été sanctionné à hauteur de 50.000 euros. En se référant de façon explicite à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et au concept de « procès équitable », la Cour de justice affirme que le droit au silence – qui est protégé par la charte des droits fondamentaux de l’UE – s’oppose à ce qu’une personne physique poursuivie puisse être condamnée pour son refus de répondre à des questions qui pourraient conduire à retenir sa responsabilité pénale ou une sanction administrative ayant un caractère pénal.
Une disposition prévoyant qu’une sanction puisse être appliquée à une personne physique pour refus de fournir des réponses aux questions posées par l’Autorité en charge de la régulation des marchés financiers est donc jugée incompatible avec le droit de l’Union européenne.
La CJUE pose néanmoins un garde-fou : le droit au silence ne saurait justifier « tout défaut de coopération » de la personne poursuivie.
Elle cite par exemple le refus de se présenter à une audition ou la mise en œuvre de manœuvres dilatoires pour reculer cette audition. La personne physique poursuivie doit donc se présenter mais pourra, sans que cela ne puisse lui être reproché, garder le silence.
À peine un mois plus tard, le 4 mars dernier, c’est le Conseil constitutionnel qui a rendu une décision sur le même thème (Décision n°2020-886 QPC).
Un requérant arguait de l’inconstitutionnalité de l’article 396 du Code de procédure pénale permettant au juge des libertés et de la détention de placer un prévenu en détention provisoire au motif que le texte n’obligeait pas ce juge à notifier au prévenu son droit de se taire.
C’est donc le silence du texte qui était présenté comme source d’inconstitutionnalité. Après avoir rappelé l’article 9 de la DDHC, dont il résulte que nul n’est tenu de s’accuser et donc dispose du droit de se taire, le Conseil accueille les arguments développés et énonce qu’« en ne prévoyant pas que le prévenu traduit devant le juge des libertés et de la détention doit être informé de son droit de se taire, les dispositions contestées portent atteinte à ce droit ».
Les dispositions en cause sont donc déclarées inconstitutionnelles. Leur abrogation est néanmoins reportée au 31 mai 2021 et dans l’attente, le Conseil estime que « jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi, le juge des libertés et de la détention doit informer le prévenu qui comparaît devant lui en application de l’article 396 du code de procédure pénale de son droit de se taire ».
Mentionnons enfin une dernière décision du Conseil constitutionnel rendue le 9 avril dernier (n°2021/895/901/902/903 QPC).
L’inconstitutionnalité de l’article 199 du Code de procédure pénale y est affirmée au motif que cet article ne prévoit pas, en cas de comparution personnelle du prévenu devant la chambre d’instruction statuant sur des mesures de détention provisoire, que ce dernier soit informé de son droit à garder le silence.
Le droit de se taire a décidemment le vent en poupe !