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Les algorithmes de Parcoursup sont-ils des documents communicables ?


18 février 2019



CADA, Avis n°20185983 du 10 janvier 2019 :

On se souvient que la réforme de Parcoursup a conduit à une sélection des futurs bacheliers en deux étapes : ceux-ci doivent d’abord exprimer leurs vœux sur une plateforme nationale, puis les établissements examinent les dossiers des candidats.

Chacune de ces opérations peut faire appel à des algorithmes (qui peut consister en un simple tableur modulé en fonction de critères propres à la formation concernée), de sorte que se pose la question de leur communication.

Or, si une administration prend une décision individuelle sur le fondement d’un traitement algorithmique, elle doit en principe l’indiquer à l’intéressé et, si celui-ci en fait la demande, lui communiquer les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre (article L.311-3-1 du CRPA ; A.Quin, Informations sur les algorithmes utilisés pour prendre une décision individuelle, Blog d’Altajuris International, 4 juillet 2017).

Cependant, les établissements d’enseignement supérieur bénéficient d’une dérogation aux obligations de communication posées tant par l’article L.311-3-1 préc. que par l’article L.312-1-3 du CRPA (obligation de publier en ligne, en Open data, les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l’accomplissement de leurs missions lorsqu’ils fondent des décisions individuelles).

En effet, l’article L.612-3 du Code de l’éducation prévoit que ces deux obligations sont « réputées satisfaites dès lors que les candidats sont informés de la possibilité d’obtenir, s’ils en font la demande, la communication des informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise ».

L’avis de la CADA

La CADA estime que cette disposition « doit leur permettre de connaître de façon complète et effective ces critères, modalités et motifs, ce qui peut inclure, le cas échéant, une information relative à un ou plusieurs éléments du traitement algorithmique » (CADA, Avis n° 20185983 du 10 janvier 2019).

En revanche, elle estime que ces dispositions dérogatoires « exclu[en]t nécessairement le droit d’accès des tiers » (CADA, Avis n° 20185983 préc.). Or, c’est précisément la position inverse qui a été adoptée par le tribunal administratif de Guadeloupe le 4 février 2019 (N° 1801094).

Celui-ci considère qu’à partir du moment où la demande n’émane pas du candidat mais d’un tiers, par exemple un syndicat d’étudiants, et ne vise pas la mise en ligne du traitement, il convient de revenir aux dispositions de l’article L.311-1 du CRPA qui imposent aux administration de communiquer les documents administratifs aux personnes qui en font la demande.

Et la CADA a déjà eu l’occasion d’indiquer que « les fichiers informatiques constituant le code source ou algorithme revêtent le caractère de documents administratifs » au sens de l’article L.300-2 du CRPA (CADA, Avis n° 20161990 du 23 juin 2016).

Cette affaire montre combien il devient difficile, pour les services publics, d’échapper à l’obligation de transparence qui innerve notre époque (Byung-Chul Han, La société de transparence, PUF, 2017) et qui peut s’appuyer sur les dispositions de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Néanmoins, il nous semble que la décision du tribunal administratif conduit en réalité à réécrire le texte de loi, ce qui excède les pouvoirs du juge (V. A.Quin, La communication des algorithmes de Parcoursup face au secret des délibérations : une question déjà résolue, Blog d’Altajuris International)

 Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris

 Mise en ligne:  18/02/2019





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