- Ass. Plén., 17 mai 2023, n° 20-20559
C’est sous l’œil des caméras que l’Assemblée plénière de la Cour de cassation s’est réunie en mars dernier pour statuer sur le régime de la prescription applicable à l’action en remboursement d’une prestation vieillesse ou d’invalidité perçue suite à une fraude ou à une fausse déclaration. Il s’agit en effet de l’une des premières audiences filmées, dont la retranscription est toujours accessible sur le site de la Cour de cassation.
Deux points sont abordés par la décision, qui fait l’objet d’une motivation claire. Le premier apport de la solution a trait au délai de prescription applicable à une action en remboursement d’une prestation vieillesse ou invalidité frauduleusement perçue. Depuis la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription de droit commun résulte de l’article 2224 du Code civil : c’est un délai de cinq ans, qui court à « compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Ce délai est applicable à toutes les actions personnelles et mobilières, à défaut de disposition spéciale instituant un délai autre. Or, l’action en remboursement d’un trop-perçu en matière de prestations vieillesse ou invalidité fait l’objet d’une prescription raccourcie, soit deux ans à compter de la date de versement de la prestation (article L. 355-3 du Code de la sécurité sociale al. 1). Le texte précise néanmoins qu’il n’a pas vocation à jouer en cas de fraude ou de fausse déclaration. À défaut de disposition légale applicable et de contrat, en cas de fraude ou de fausse déclaration, pour fonder sa demande de restitution, l’organisme demandeur doit mobiliser un quasi-contrat : le paiement de l’indu. L’article 1302-1 du Code civil prévoit en effet que « Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ». Il s’agit dès lors d’une action personnelle, qui à défaut de prescription spécifique, est soumise au droit commun de l’article 2224 du Code civil. La Cour conclut donc assez logiquement que « revêtant le caractère d’une action personnelle ou mobilière au sens de l’article 2224 du code civil », l’action en remboursement « (…) se prescrit par cinq ans à compter du jour de la découverte de la fraude ou d’une fausse déclaration ».
Plus épineuse, la deuxième question concernait l’étendue des sommes dont la restitution peut être demandée. L’action en remboursement permet-elle d’obtenir la restitution de toutes les sommes indûment perçues ou bien seulement de celles perçues pendant les cinq années précédant la découverte de la fraude ou de la fausse déclaration ? En l’espèce, l’assuré recevait indûment une pension de réversion depuis 2006. La fausse déclaration ayant été détectée en 2014 et l’action formée en 2015, les sommes perçues entre 2006 et 2010 devaient-elles être restituées ou fallait-il considérer l’action en paiement prescrite pour cette période ? La Cour d’appel de Versailles avait opté pour une solution favorable à l’assuré en qualifiant de « prescrite » la créance de l’organisme social pour la période antérieure à 2010. La Cour de cassation adopte la position inverse en précisant que le « délai d’action n’a pas d’incidence sur la période de l’indu recouvrable ».
Si le délai de cinq ans ne s’applique pas à la détermination du montant remboursable, le délai butoir de 20 ans prévu par l’article 2232 du Code civil, lui, s’y applique. Dès lors, « (…) en cas de fraude ou de fausse déclaration, toute action en restitution d’un indu de prestations de vieillesse ou d’invalidité, engagée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte de celle-ci, permet à la caisse de recouvrer la totalité de l’indu se rapportant à des prestations payées au cours des vingt ans ayant précédé l’action ». Il y a donc une limite quant à l’étendue des sommes recouvrables à compter de la découverte de la fraude. Celle-ci n’est toutefois pas de cinq ans mais de vingt, ce qui apparaît bien moins favorable à l’assuré social.