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Actualités récentes du droit des sûretés


15 mai 2023



Le droit des sûretés est une discipline en mouvement, qui fait l’objet d’une dense actualité. Outre des modifications législatives et réglementaires intervenues suite à l’ordonnance du 15 septembre 2021 ayant réformé des pans entiers de ce droit, les décisions de la Cour de cassation sont nombreuses en la matière.

Au titre des innovations récentes, signalons la création d’un registre unique des sûretés mobilières et autres opérations connexes. Il s’agissait de centraliser les inscriptions de nombreuses opérations listées par l’article R. 521-2 du Code de commerce, auparavant éclatées au sein d’une multitude de registres. Institué par un décret du 29 décembre 2021 entré en vigueur en janvier 2023, les textes applicables à ce registre viennent d’être modifiés par un décret du 11 mai 2023 (n° 2023-369). Deux publicités supplémentaires devront être réalisées sur ce registre tenu par les greffes des tribunaux de commerce. Les saisies pénales de fonds de commerce et les arrêtés pris en matière de lutte contre les habitats indignes s’ajoutent à la liste déjà longue (16), des opérations devant faire l’objet d’une publicité sur ce registre unique et accessible par voie électronique. Le décret organise également la retranscription sur ce dernier des inscriptions de gage des stocks et de nantissement du matériel et outillage prises avant l’entrée en vigueur du registre. Avec ce décret, le dispositif réglementaire applicable à ce nouveau registre semble complet.

Plusieurs décisions rendues le 5 avril sont ensuite à signaler. La première concerne la fameuse mention manuscrite requise en matière de cautionnement, source d’un abondant contentieux (Com. 5 avr. 2023, n° 21-20.905). La décision illustre exactement ce à quoi le législateur a cherché à remédier en créant un nouvel article 2297 au sein du Code civil. Le dirigeant d’une société s’était porté caution d’un prêt consenti à sa société. Assignée en paiement la caution arguait alors de la nullité de son engagement en invoquant une erreur dans la mention manuscrite apposée : au lieu d’avoir écrit qu’elle s’engageait à « rembourser les sommes dues sur mes revenus et mes biens », la caution avait mentionné qu’elle s’engageait à « rembourser les sommes dues sur mes revenus ou mes biens ». Il n’en fallait pas plus pour la Cour de cassation considère que la portée et le sens de la mention manuscrite étaient altérés, emportant la nullité du cautionnement et laissant la banque bien démunie.

Deux autres décisions rendues le même jour (Com. 5 avr. 2023, n° 21-18.531 et n° 21-14.166) concernent ce que l’on a un temps appelé le cautionnement réel et qui est désormais bien identifié par l’expression de sûreté réelle pour autrui. Dans les deux espèces, la particularité notable était que deux sortes de sûretés se cumulaient. Outre des cautionnements, les garants avaient concédé des hypothèques pour garantir le remboursement de dettes bancaires contractées par le débiteur principal (un GAEC et une société). Une hypothèque pour autrui s’ajoutait donc au cautionnement consenti. Les banques finalement impayées avaient diligenté des saisies immobilières pour réaliser les deux hypothèques. Pour éviter cette saisie, les garants, dans les deux hypothèses, invoquaient le caractère disproportionné de l’engagement. S’appuyant sur la distinction nette, qu’elle a elle-même tracée, entre sûreté personnelle et réelle, la Cour de cassation rappelle que les sûretés réelles pour autrui – en l’espèce des hypothèques pour autrui – ne sont pas des cautionnements et ne sont donc pas soumises à l’exigence de proportionnalité. La nature de l’engagement – sûreté réelle ou personnelle – engendre donc une différence notable de régime, et ce même si le garant est la même personne. Remarquons pour conclure que si l’ordonnance du 15 septembre 2021 fait bénéficier le constituant d’une sûreté réelle pour autrui de certaines protections dont bénéficie classiquement la caution personne physique (art. 2325 al. 2), ce n’est pas le cas de l’exigence de proportionnalité de la sûreté, qui a vocation à rester le domaine réservé des cautions.





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