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Décès de l’adoptant au cours de la procédure d’adoption et respect du contradictoire


9 juillet 2018



Décès de l’adoptant au cours de la procédure d’adoption et respect du contradictoire, article 355 du Code Civil : « L’adoption produit ses effets à compter du jour du dépôt de la requête en adoption ».

En l’espèce, le beau-père de deux femmes, demandeur en adoption simple de ces dernières, était décédé au cours de la procédure.

 

La demande d’adoption avait été poursuivie par les deux intéressées, mais elle a été rejetée par le tribunal, puis la Cour d’appel.

 

Cette dernière a fondé sa décision sur l’article 384 du Code de procédure civile, aux termes duquel le décès entraîne l’extinction de l’instance, sauf si l’action peut être transmise aux héritiers, et sur le fait qu’en l’occurrence aucun texte ne prévoit la transmission de l’action aux fins d’adoption aux héritiers, sauf dans l’hypothèse où l’adoptant a recueilli l’enfant en vue de son adoption.

 

Cependant, la Cour d’appel avait relevé ces moyens d’office sans permettre aux parties de s’expliquer, et les conclusions écrites du ministère public, intervenu en qualité de partie jointe et n’ayant pas assisté à l’audience, n’avaient pas été mises à la disposition des parties : c’est donc sur le fondement du respect du contradictoire (article 16 et article 431 du Code de procédure civile) que la décision des juges d’appel est censurée.

 

Dans le cas présent, le respect du contradictoire aurait sans doute permis aux parties de critiquer le fondement de la décision rendue, à savoir l’article 353, alinéa 3 du Code civil qui prévoit qu’en cas de décès de l’adoptant, la requête ne peut être déposée par son conjoint ou l’un de ses héritiers que si l’enfant a déjà été recueilli en vue de l’adoption.

 

Or, ce texte ne concerne pas l’hypothèse où la requête a déjà été déposée et où le décès intervient au cours de l’instance (En ce sens, V. J.-J. Lemouland, Procédure d’adoption : la Cour de cassation veille au respect du contradictoire, L’essentiel Droit de la famille et des personnes, n°6, juin 2018, p.1-2).

 

Dans ce cas, la question qui se pose est de savoir si l’instance peut être poursuivie, et la réponse doit être positive puisque l’article 355 du Code civil dispose que l’adoption produit effet au jour du dépôt de la requête, de sorte que le décès en cours d’instance ne dessaisit pas le juge (J.-J. Lemouland, art. préc.).

 

Même si on devine que c’est un souci d’efficacité (Th. Berns, L’efficacité comme norme, Revue de philosophie politique de l’ULg, n° 4, avril 2011, p.150) qui a conduit les juges à se passer du respect du contradictoire, cette décision montre à quel point l’ouverture au dialogue peut éviter bien des erreurs, mais aussi que le principe du contradictoire pourrait bien être le siège d’une évolution du droit qui ne serait pas uniquement fondé sur la sanction, mais aussi sur la communication (J. Lenoble, Droit et communication, éd. Cerf, 1988). Et là, c’est moins de l’application des règles de droit dont il s’agit que d’un changement des pratiques de l’ensemble des juristes.

 

  Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris

 Mise en ligne: 09/07/2018

 





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